Haute-Marne, Aujeures : un instituteur rural au temps jadis, épisode II et Fin

Ernest Pernot 
Folklore et notes d'hier locale, Claire Auberive, p.38-44, Les Cahiers Haut-Marnais, n°84, Chaumont, 1966.

(...) "Fils d'instituteur, M. Ernest Pernot s'intéresse naturellement à l'école de son village aux conditions de l'enseignement, aux lois et usages qui le régissent , à ses vicissitudes, à ses progrès, depuis la Révolution jusqu'au milieu du siècle dernier. Il va nous en parler longuement avant de retracer la carrière professionnelle de son père :"
Claire Auberive : les sous-titres sont de la rédaction ainsi que les passages en italiques.


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Haute-Marne, Aujeures : un instituteur rural au temps jadis, épisode I 


 
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Qu'enseignait-il à ces villageois?...
Jusqu'à 1810 , les écoliers n'apprenaient de mémoire que le catéchisme du diocèse, point de grammaire, par conséquent point d'analyse, très peu de dictées et de l' arithmétique sans méthode. Les leçons orales du maître leur enseignaient la vie chrétienne et particulièrement celles des saints ; il leur apprenait les règles de la civilité, les faisaient lire petit et grand psautier dans le texte latin, chaque élève apportant à l'école le livre qu'il tenait de ses parents. Sans négliger ce programme traditionnel qui, d'ailleurs, fut progressivement modifié, mon père ne s'y limitait pas. Avec les aînés, il allait presque jusqu'à l'enseignement primaire supérieur : fractions, racine carrée, racine cubique, géométrie pratique, dessin graphique. Dès le retour du beau temps, les conduisant dans la campagne, il leur enseignait l'arpentage.

La plupart des maîtres  qui exercèrent avant 1804 devaient être pourvus d'une autorisation de compétence, sorte de brevet émanant de l'autorité épiscopale, et d'un bail passé verbalemment avec la Commune. L'instituteur, à cette époque, était obligatoirement chantre à l'église et subissait une épreuve relative à cette fonction ; elle consistait dans le chant d'un Introït. En 1831, mon père est autorisé par le recteur de l' Académie de Dijon à remplir la charge d'instituteur dans la Commune d' Aujeures et la notification en est faite au Conseil municipal, car, de 1804 à 1833, le règlement se trouve modifié, conformément  à la loi de 1833 sur l'enseignement primaire. Le jeune aspirant doit subir un examen devant le Principal du collège de l'arrondissement  et c'est à la suite d'un rapport établi par ce dernier qu'un brevet est délivré au candidat par le Recteur de l' Académie. Aujourd'hui (4), ce même brevet est délivré par une Commission générale siégeant au chef-lieu de chaque département.

Jusqu'en 1853, l'instituteur était révoqué par le Recteur de l'Académie d'après le rapport des autorités préposées à la surveillance des écoles primaires, le maire de la Commune et le curé avaient voix prépondérantes. En vertu de la loi de 1856, l'instituteur fut ensuite révoqué sur la proposition des inspecteurs d'arrondissement et d'académie ; il en était de même pour la nomination.

  En 1816  avaient été créés des Comités laïques cantonaux qui furent remplacés en 1825 par des Comités ecclésiastiques auxquels succédèrent en 1830 des Comités mixtes cantonaux ; ceux-ci, en vertu de la loi de 1833 firent place aux Comités d'arrondissement et communaux.

Les "recteurs d'écoles" et les instituteurs d' Aujeures  
"Recteurs" d'école jusqu'en 1800, "instituteurs" ensuite, , ces hommes voués à l'enseignement, exerçaient, avec des méthodes différentes, la même fonction. Les recherches de M.Ernest Pernot lui permirent de relever les noms de tous ceux qui, de 1667 à 1830, remplirent à Aujeures cette charge laborieuse et de faire connaitre, par quelques notes, la personnalité des plus notables d'entre eux :

-François Petitot, 1667-1691 : recteur d' Escholle et notaire, mary de Anne Desprez, enterré devant l'autel du scapulaire, le 29 avril 1702.
-Remi Blime, 1706-1730.
-Estienne Vallot, 1730-17770 : le recteur Vallot qui exerça 40 ans à Aujeures y jouit d'une réputation durable par l'excellence de son école et de son pensionnat. C'est lui qui acheta des Moilleron la maison Sauvageot.
-Nicolas Mugnier, 1770-1773.
-Didier Vautelin : originaire de Montsaugeon. Il est dit notaire de Mgr le duc de Penthièvre dans la circonscription d' Aprey. Obligé de s'y transporter de temps à autre pour signer ses actes, on rapporte que durant ses absences, il confiait la surveillance de l'école à sa femme qui s'y installait en filant sa quenouille. L'absence du maître, remarque judicieusement l'annaliste, permet de juger des progrès des élèves.
-Estienne Michelot, 1775-1785 : mérita la reconnaissance des parents par son zèle et spécialement par son enseignement de l'arithmétique pratique. Aucun de ses successeurs ne le valut jusqu'en 1815.
-François Donot, 1785-1786.
-Estienne Michelot, 1786-1792 : nous ignorons s'il s'agit d'un homonyme ou plutôt du précédent qui reprit du service. Cette dernière hypothèse parait probable.

De 1792 à 1794, la Commune fut privée d'instituteur, le citoyen Bailly ayant été destitué par le Conseil municipal, 16 Vendémiaire, an II, pour n'avoir pas repris les classes le jour fixé. Durant cette période, Nicolas Arbillot, célibataire, donna, par dévouement, quelques leçons à domicile.

-François Jauvin repris enfin la direction de l'école jusqu'à l'année 1800.  
-Jean Gagnot la conserva jusqu'en 1803. 
-Antoine Donot jusqu'en 1810.
-Claude Trécourt jusqu'en 1813.
-Hubert Journée jusqu'en 1815. 

Mais elle était tombée dans un état déplorable, en raison, sans doute de l'instabilité des maîtres et peut être aussi de leur incapacité. Elle dut son relèvement à Claude Trécourt qui la repris en main une seconde fois vers 1815. 
   Le fait est d'autant plus remarquable que ce jeune instituteur commença d'enseigner  à l'âge de 14 ans, après avoir reçu l'autorisation officielle du Recteur de l'Académie de Dijon.
   En 1821, la même autorisation fut accordée à Jacques Mugnier qui améliora les progrès de l'école par l'enseignement simultané.

Mon père lui succéda en 1830 ; il adopta l'enseignement mixte, choisissant des moniteurs parmi les élèves les plus avancés qui faisaient étudier et lire les plus jeunes. Cette méthode, en raison du grand nombre des écoliers, s'avéraient en effet nécessaire avec un maître unique. Elle donna d'excellents résultats.
  À son travail professionnel, mon père ajouta le dénombrement des actes de l' état civil d' Aujeures, baptêmes, mariages et décès, conservés  à la mairie depuis presque de deux siècles, c'est-à-dire de 1659 à 1850.
Le tableau qu'il en dressa permet de connaitre la courbe de la population. Il est regrettable que ce travail intéressant n'est pas été continué.

(4)  C'est-à-dire au commencement du XXe siècle, époque ou furent écrites ces pages.


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