Seine-Maritime, Le Havre : quand la "Transition" énergétique" fait... le BETON roi

Laurie Debove
1/11/2019


Le Port de Saint-Nazaire veut bétonner 110ha de zones humides sous le label de la « transition énergétique »

Les terres menacées sont des zones qui ont été remblayées dans les années 60, où la nature a depuis repris ses droits, à l’exception d’une petite parcelle déjà bétonnée qui accueille un prototype d’éolienne. Les zones humides sont cruciales pour l’homme et pour la vie sur la planète. Elles atténuent les crues, protègent les littoraux et renforcent la résilience des communautés aux catastrophes.



Pour diversifier ses activités, le port de Nantes Saint-Nazaire veut construire un « site industrialo-portuaire éco-technologique » sur la rive Sud de La Loire. Il a délimité une zone de 110ha à bétonner… en accord avec les associations environnementales locales et le gouvernement. Ce projet est un exemple frappant du manque de compréhension de la dimension systémique de l’écologie et de la gravité de la situation. 


Bétonner des zones humides au nom de la transition énergétique

L’intention pourrait presque paraître louable sur le papier. Le Port de Nantes Saint-Nazaire veut transformer un tiers de la zone du Carnet en un « parc éco-technologique orienté sur les énergies marines renouvelables ». Le projet : bétonner 110 hectares sur 390 de zones humides pour accueillir des « activités éco-technologiques », soit « l’ensemble des technologies dont l’emploi est moins néfaste pour l’environnement que le recours aux technologies habituelles répondant aux mêmes besoins ». Lesquelles précisément ? Le Port ne le sait pas encore puisque l’appel d’offres a été lancé depuis peu et reste ouvert jusqu’à fin novembre.
Les terres menacées sont des zones qui ont été remblayées dans les années 60, où la nature a depuis repris ses droits, à l’exception d’une petite parcelle déjà bétonnée qui accueille un prototype d’éolienne. Les zones humides sont cruciales pour l’homme et pour la vie sur la planète. Elles atténuent les crues, protègent les littoraux et renforcent la résilience des communautés aux catastrophes.
La zone du Carnet avait été submergée lors de la tempête Xynthia et est particulièrement fragile face à la montée du niveau des océans. Une toute récente étude a cartographié les endroits au monde qui subiront au moins une inondation côtière par an en 2050, et ce dans le scénario optimiste d’émissions de gaz à effet de serre. Le Carnet en fait partie.


« 60% des zones humides ont déjà disparues en France en 100 ans alors qu’elles abritent le plus de biodiversité, participent à la dynamique des sédiments, de la fertilisation. La bétonisation des rives et des rivières est l’une des causes les plus importantes des inondations. Ils justifient l’aspect écologique de ce projet avec la qualification des 2/3 du terrain en zone protégée, mais la zone telle quelle est déjà sauvage et accueille de nombreuses espèces, elle n’a pas besoin d’être restaurée. » explique Yoann, paysan bio et membre du collectif Terres Communes opposé au projet

Ce projet s’inscrirait même, selon les dires de Philippe Grosvalet, le président du Conseil Départemental de Loire-Atlantique, dans l’objectif de « Zéro artificialisation » du territoire français par le jeu des compensations mises en avant dans chaque projet d’étalement urbain. Or, cette compensation n’a aucun effet puisque l’artificialisation des sols et des littoraux est la cause majeure de la destruction des écosystèmes.


 

L’intérêt privé soutenu par les institutions publiques

Si elle s’en tenait aux recommandations de l’Observatoire National de la Biodiversité, la France devrait donc cesser tout développement urbain puisque seulement 52,7 % du territoire métropolitain français reste à peu près naturel. Pourtant, le projet est soutenu par l’Etat français et l’Union Européenne, qui l’ont déclaré d’intérêt public « en termes de lutte contre le changement climatique et de renforcement de l’indépendance énergétique de la France par le développement des énergies renouvelables. » En effet, l’enquête publique ayant conduit à la validation du projet compte sur les énergies renouvelables qui seront produites par le site industrialo-portuaire pour des énergies plus « propres ».
Mais le gouvernement ne prend en compte les terres rares extrêmement polluantes nécessaires à la construction des aimants pour les éoliennes par exemple, dont la Chine contrôle plus de 90 % de la production au coût tragique de l’environnement et des humains. Ces minerais sont tellement demandés que leur extraction menace aujourd’hui les fonds marins avec le deep-sea mining.
Le gouvernement ne tient pas non plus compte du fait qu’aucune énergie renouvelable n’a permis à l’heure actuelle de diminuer l’utilisation des énergies fossiles, leur développement n’ayant fait que grossir le mix énergétique existant.
Sans plan national contraignant sur la mise en place de la sobriété énergétique, aucun projet énergétique ne sera jamais à la hauteur de la crise écologique en cours. Si l’enquête mentionne bien l’obligation de réduire la consommation d’énergie pour lutter contre la crise climatique, c’est pourtant pour répondre à l’objectif de croissance du port que cette zone serait construite. Avec un trafic de marchandises ayant augmenté de 17,2 % en 2018, le 4ème Grand Port Maritime de France a besoin d’étendre sa capacité d’accueil, historiquement axée sur les secteurs des énergies fossiles, avec la présence d’une raffinerie Total, et du soja. 


L’implication des associations environnementales locales

Face à de telles problématiques structurelles, il est étonnant de voir le projet d’agrandissement du port soutenu par des associations locales environnementales telles que Bretagne Vivante, la LPO Loire-Atlantique et la FNE Pays de la Loire. Tout comme les chasseurs, les agriculteurs, les collectivités locales et les services de l’Etat, elles ont été sollicitées par le Port pour délimiter les zones à conserver. 




Impliquées depuis toujours dans la protection de la Loire, ces associations ont été sensibles au fait que, pour la première fois, cet acteur privé venait leur demander conseil avant de lancer un projet d’aménagement. Le travail collectif des différentes parties prenantes va maintenant s’axer autour de la validation d’un plan de gestion autour des 200 ha qui ne seront pas artificialisés. Interrogé par téléphone, FNE Pays de la Loire a expliqué qu’ils étaient parvenus à un compromis entre « croissance économique et conservation écologique ». 


La fameuse croissance verte, mythe à la peau dure, même au sein d’ONG de protection de l’environnement.
« L’éventualité d’une croissance verte, qui verrait un découplage radical entre la progression des volumes produits et la régression suffisamment forte des pollutions, émissions et prélèvements sur la nature, est un mythe scientiste que réfutent de nombreux travaux, dont un rapport récent du European Environment Bureau dont voici la conclusion : « il n’existe nulle part de preuve empirique d’un découplage, entre la croissance économique et les pressions sur l’environnement, à une échelle suffisante pour faire face à la crise environnementale, et, ce qui est sans doute plus important, un tel découplage a peu de chances de se produire dans le futur. » explique l’économiste Jean Gadrey dans Alternatives Économiques
Ainsi, ce projet est symbolique de l’éveil tardif et difficile des décideurs politiques et économiques. Peut-être aurait-il eu un sens 30 ans en arrière, et encore. Mais à l’heure où l’humanité doit enrayer la sixième extinction de masse et s’apprêter à faire face à de profonds bouleversements environnementaux qui s’abattront de plus en plus rapidement et intensément, il n’est que le reflet d’une société qui se voile la face sur la complexité des enjeux à tenir. 


Image à la une : LOÏC VENANCE / AFP

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