En Roumanie, la mafia du bois assassine les gardes-forestiers et détruit les plus vieilles forêts primaires d’Europe

Laurie Debove
7/11/2019




Crédit photo : DANIEL MIHAILESCU / AFP

 
En Roumanie aussi, la guerre pour le vivant fait rage. A tel point qu’ils étaient des milliers, dimanche, à défiler dans Bucarest et plusieurs villes d’Europe pour exiger l’arrêt des crimes de la mafia du bois. En deux mois, deux autres gardes-forestiers roumains ont été assassinés en défendant l’une des plus anciennes forêts primaires européennes. 


Les crimes de la mafia du bois dans la forêt des Carpates
On parle souvent du péril de l’Amazonie, mais l’une des plus belles et plus grandes forêts d’Europe est également en grave danger. En Roumanie comme au Brésil et partout dans le monde, la guerre fait rage entre les protecteurs et les destructeurs du vivant. A cause de l’exploitation forestière illégale, la forêt des Carpates est le théâtre d’affrontements sanglants.


 

Crédit photo : Greenpeace Roumanie

Le 12 septembre 2019, Raducu Gorcioaia a été retrouvé mort dans sa voiture, frappé à la tête, près d’une forêt du comté de Iasi, dans l’est de la Roumanie. Le 16 octobre 2019, Liviu Pavel Pop, père de trois enfants, a été roué de coups et abattu par plusieurs balles dans le nord-ouest du comté de Maramures. Ces deux hommes font partie des six gardes-forestiers qui ont été assassinés par la mafia du bois ces dernières années. Au total, 650 travailleurs forestiers ont été battus, attaqués avec des haches ou des couteaux ou même abattus après avoir surpris des bûcherons en flagrant délit.
« La mafia de la forêt a tenté de me tuer à plusieurs reprises. Il y a quatre ans, je menais une enquête près du parc national Retezat et une bande de voyous m’a attaqué et a tenté de me tuer. Ils m’ont cassé des côtes, ouvert la tête et cassé la main avant que je réussisse à m’échapper en courant. Nous sommes profondément inquiets par le fait que des gardes forestiers et des activistes comme nous continuent d’être tués alors que nous enquêtons sur l’exploitation forestière illégale en Roumanie. » a déclaré Gabriel Paun, le responsable du groupe environnemental Agent Green, à la BBC.
Lors des manifestations dimanche 3 novembre, des milliers de roumains ont ainsi exigé que justice soit faite pour les garde-forestiers assassinés. Ils demandent des enquêtes pénales approfondies sur les morts et les attaques contre les travailleurs forestiers, ainsi que l’amélioration immédiate du système de suivi automatisé de l’exploitation forestière du pays et une législation plus stricte.
Forêt en danger par des criminels en cols blancs
En effet, la Roumanie abrite plus de la moitié des dernières forêts anciennes et primaires d’Europe, berceaux d’une multitude d’êtres vivants dont des ours, des loups, des lynx ou des chats sauvages. Ces joyaux naturels et sauvages aiguisent les appétits les plus cupides qui n’y voient qu’un vaste chantier à profits. Greenpeace Roumanie estime ainsi qu’entre 3 et 9 hectares de forêt sont rasés chaque heure par l’abattage légal et illégal des arbres ! Oui, chaque heure ! Les autorités de contrôle ne capturent environ que 200 000 m3 de bois coupé illégalement, sur les 20 millions de mètres cubes de bois qui disparaissent chaque année, soit 1% du phénomène


Voir
Defrişări în Parcul Naţional Semenic-Cheile Caraşului 2017

A la tête de ces réseaux d’exploitation forestière illégale, le profil n’est pas celui de mercenaires mais plutôt d’hommes d’affaires très influents. L’un des principaux suspects dans l’assassinat de Liviu Pavel Pop est le neveu du procureur en chef d’une ville voisine.
Millionnaire, il travaille pour une entreprise impliquée dans des scandales liés à l’exploitation forestière illégale. Les trois suspects ayant été déclarés non-coupables, ces liens de connivence entre la mafia du bois et les autorités roumaines soulèvent de très graves suspicions de corruption ayant empêché l’impartialité de l’enquête.
En septembre 2019, trois ONG ont déposé plainte auprès de la Commission européenne contre le gouvernement roumain, en l’accusant que ses pratiques d’exploitation forestière ne sont pas en règle avec la législation de l’Union européenne sur la protection de la nature, et que ses efforts sont insuffisants pour lutter contre l’exploitation forestière illégale. Une pétition existe pour soutenir leur demande.
Tout récemment arrivé au pouvoir, le nouveau ministre de l’environnement, Costel Alexe, a promis d’améliorer de toute urgence le système de traçage du bois. Les associations de protection de l’environnement ont déclaré qu’elles seraient attentives à ce que ses promesses soient bien suivi d’actes forts comme le financement d’images satellites pour surveiller les forêts et l’arrestation des criminels de la mafia du bois.


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