"Les lumières ! C'est pas Versailles ici !" La phrase du futur consommateur français? Va savoir Charles!
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Regard sur l’Energiewende Jean Pierre Riou
La croisée des chemins
L’Allemagne
doit faire face à une crise sans précédent de l’éolien au moment même où elle s’apprête,
pour la première fois, à réduire les capacités pilotables de son parc de
production d’électricité.
Elle
n’en fournit pas moins à la France un modèle en matière de sécurité d’approvisionnement
qu’il convient d’analyser.
Le
déclin des éoliennes historiques
Au terme des 20 années de subventions accordées
par la loi (EEG), se pose aujourd’hui la question de la rentabilité des premières
éoliennes allemandes.
Une enquête
de 2018 de l’organisme FA Windenergie [1] révèle
qu’une large part de leurs exploitations sera alors abandonnée et les machines
démantelées.
La 2ème
chaîne allemande, ZDF[2], avait annoncé, fin
2017, que plus du quart des capacités éoliennes du moment devrait ainsi
disparaître.
Ce qui devrait d’ailleurs éclairer la
problématique de ce démantèlement, notamment des milliers
de tonnes de pales quasiment impossibles à recycler [3].
2019
l’effondrement des nouvelles capacités
Dans le même temps, et avec une chute de
82% par rapport à la même période, déjà faible, de 2018, le premier semestre
2019 connaît un effondrement sans précédent des nouveaux investissements
dans ce secteur.
Les syndicats
allemands rapportent [4] que, le nombre
d'emplois dans l’éolien serait passé de 133 800 en 2017 à 112 100
actuellement.
Et l’industrie allemande est à la peine :
le fabricant d’éoliennes Senvion, désormais en faillite et n’ayant pas trouvé
repreneur, sera vendu
« à la découpe », [5] tandis que le
géant Enercon annonce la suppression
de 3000 emplois [6].
C’est dans ce contexte morose pour
l’éolien que le Conseil des ministres fédéraux vient d’entériner, le 9 octobre
2019, un projet
de loi sur le Climat [7] qui contient l’instauration d’une distance
d’éloignement entre éoliennes et habitations d’un
minimum de 1000 mètres.
Sans préjudice de la mesure actuelle de
10 fois la hauteur des machines en Bavière.
Les syndicats professionnels ainsi que dix
ministres régionaux de l’environnement viennent
d’alerter le gouvernement [8] sur les
conséquences de cette situation, dramatique pour la filière, qui compromettent gravement
les objectifs climatiques de l’Allemagne.
Les
moyens pilotables à horizon 2022
La loi allemande prévoit la fermeture des
9,5 GW nucléaires encore en activité, ainsi que de 2,9 GW supplémentaires, essentiellement
charbon lignite et gaz.
Elle prévoit également la mise en
service de 2,3 GW charbon et gaz, notamment la très controversée centrale à
charbon de Datteln 4.
Parallèlement, le plan
Climat allemand prévoit de réduire les capacités de charbon à 17 GW d’ici
2030 et leur suppression totale pour 2038.
Le projet de loi concernant son
application n’a pas encore été présenté par le Gouvernement, mais impliquera assurément
des fermetures supplémentaires de moyens pilotables.
Des analystes tels que Montel évoquent
la fermeture de 3,1
GW de lignite et 5,4 GW de houille [10] d’ici
2022 et s’attendent, en ce cas, à une impossibilité allemande de subvenir à ses
propres besoins en devenant importateur net, alors qu’en 2018 elle était encore
2ème exportateur mondial, derrière la France [11].
La
sécurité allemande
Le 10 octobre 2018, les 10 principaux
électriciens européens avaient dénoncé la menace que représente cette érosion des
moyens pilotables sur la sécurité et prévenu du risque de la fin
de la solidarité [12] européenne en cas de
difficulté d’approvisionnement.
Dans leur bilan prévisionnel offre
demande du 23 janvier 2019, les 4
responsables de réseau allemands [13] ont
considéré le risque de l’impossibilité de l’Allemagne à subvenir à ses propres
besoins en cas de situation défavorable, c’est à dire une pointe de
consommation de 82 GW en 2021, et évoqué une garantie de disponibilité de 0%
pour le solaire et inférieure à 1% pour l’éolien, comme c’est malheureusement
le risque les soirs de grand froid anticycloniques.
Mais la Commission
Croissance, Changement structurel et Emploi, dite « Commission
Charbon » [14] et à l’origine du plan Climat, préconise d’évaluer
régulièrement l’efficacité des mesures entreprises (2023, 2026, 2029) afin de garantir
son niveau de sécurité sans recourir aux importations.
Jusqu’alors, l’Allemagne s’était donné
les moyens de conserver en réserve l’intégralité
de ses centrales pilotables [15] malgré un doublon intégral en moyens
intermittents. Et entreprend désormais la fermeture de centrales fossiles avec
la plus grande prudence, en se gardant bien de miser sur la sécurité de ses
voisins.
L'optimisme français
Dans son bilan
prévisionnel [16], le gestionnaire du réseau
français, RTE, anticipe une situation tendue cet hiver et mise sur les
interconnexions avec nos voisins en cas de grand froid, avec un besoin
d’importations à travers chacune de nos frontières s’élevant à un total moyen de
8,6 GW.
La possibilité de délestages et de baisses de tensions sur le réseau son
envisagée en cas de déficit d’approvisionnement.
Mais RTE prévoit surtout une dégradation
de la situation à horizon 2023, qualifiant la période de « situation de
forte vigilance. », qui « concentre l’essentiel des risques », notamment
en raison du planning très dense des visites décennales de nos réacteurs et du
déclassement de nouvelles capacités pilotables en Europe.
Pour
sécuriser l’approvisionnement à plus long terme, RTE évoque le développement des
énergies renouvelables, notamment l’éolien en mer. Et avance notamment que pour
l’éolien « dans certains cas,
la production de cette filière à la pointe peut être significative et utile à
la sécurité d’approvisionnement ».
Le parc nucléaire français présente le
double avantage d’être pilotable et décarboné.
La politique énergétique a décidé d’en
réduire la production d’électricité à 50% au lieu des ¾ actuellement, et de
compenser cette réduction par la part croissante des EnR intermittentes. L’objectif
étant de diversifier le mix afin de ne pas « mettre tous les œufs dans le
même panier ».
Le
colosse aux pieds d’argile
Dans ce souci de sécurité, on s’en remet
ainsi aux interconnexions d’un réseau de plus en plus complexe et au
développement d’une production aléatoire dont la sécurité fonctionne « dans
certains cas ».
Dans son analyse à moyen terme (MAF) [17] le gestionnaire
du réseau européen (Entsoe) considère la
France comme le pays le plus exposé d’Europe continentale à des
épisodes d’alimentation électrique déficitaire (LOLE ou Loss of load expectation), capacités d’importation
comprises..
L’ Entsoe constate également que la France
est la seule dont la situation s’est dégradée depuis ses estimations de 2018.
Alors même qu’elle reste le plus gros
exportateur mondial d’électricité.
Cette fragilité française provient de la
grande sensibilité de son système électrique aux variations de température en
raison de l’importance du chauffage électrique.
Cette spécificité constitue d’ailleurs
un atout déterminant en regard des objectifs climatiques.
Les rares moyens de stockage et d’effacement
de consommation doivent manifestement se concentrer sur l’écrêtement de cette
thermosensibilité.
Il ne semble pas que l’augmentation de
la part d’énergies non pilotables permette d’aller dans ce sens.
Gouverner
c’est prévoir
Il n’est pas déraisonnable d’imaginer un
super réseau mondialisé permettant de bénéficier d’un réel foisonnement des
vents et du soleil, et donnerait raison aux adeptes de l’intermittence.
Car ce foisonnement est quasiment inexistant
à l’échelle d’un continent.
La Chine envisage notamment de nous inonder
de son courant « low cost ».
Mais tant de ruptures technologiques
peuvent bouleverser
à court terme notre paysage énergétique et ruiner nombre de plans sur la
comète.
En tout état de cause, en fermant des
centrales considérées sures
et non émettrices de CO2 [18] pour les remplacer par des moyens
intermittents subventionnés, la France court le risque de n’avoir ni le beurre
ni l’argent du beurre à l’heure du bilan.
Ni la filière industrielle éolienne, ni la
sécurité d’approvisionnement qu’elle lui aura sacrifiée.
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