La roulette russe

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Jean Pierre Riou
lundi 30 janvier 2017

Commentaire: "Celui qui offre son dos ne doit pas se plaindre des coups qu'il endure."
proverbe russe
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La vague de froid s'éloigne sans que le système électrique français n'ait failli!


D'autres viendront, plus rigoureuses encore, auxquelles le pays devra impérativement faire face, tant les conséquences d'une rupture d'approvisionnement ne seraient pas acceptables.
Quelques chiffres sont nécessaires pour confronter la résistance des politiques énergétiques à cette récente épreuve des faits.

Pour les filières considérées, nous n'évoquerons pas les taux de couverture de la consommation, qui dépendent de la puissance installée, mais leur taux de charge, qui correspond à leur puissance disponible par rapport à leur puissance totale installée.


Rétrospective
Le parc nucléaire français a donc été pointé du doigt pour avoir dû subir des contrôles en série concernant 12 réacteurs sur les 58.
Cinq réacteurs ont même dû être arrêtés au moment où on avait le plus besoin d'eux.

La vague de froid "Moscou Paris" s'est installé sur l'Europe le 12 janvier. Tandis que 8 réacteurs nucléaires étaient arrêtés pour maintenance ou contrôles. (Paluel 2, Fessenheim 2, Gravelines 5, Bugey 5, Civaux 2, Tricastin 4, et Bugey 4).
Ce même jour, ce parc nucléaire fonctionnait pourtant avec un taux de charge supérieur à 86% lors des 2 pointes de consommation du matin et du soir. Soit un taux d'efficacité proche de 100% des réacteurs disponibles.

Ce même 12 janvier, l'éolien français était au beau fixe avec ponctuellement plus de 8000 MW de puissance lors de la pointe de consommation du soir, mais moins de 2500 MW lors de la pointe du matin.

L'Allemagne en difficulté
Le froid anticyclonique n'étant pas encore installé sur le pays, la consommation de ce 12 janvier est restée inférieure à 80 000MW. ce qui a même permis à la France d'alimenter l'Allemagne.



Source https://transparency.entsoe.eu/

où le froid anticyclonique, qui s'y était déjà installé, avait pratiquement supprimé toute efficacité à ses éoliennes (taux de charge tombé à 3%, avec 1,49 GW pour 49 GW installés).


Source https://www.energy-charts.de/power.htm

Ce qui l'a forcée, toute la journée, à dépendre des disponibilités de ses voisins pour en importer son alimentation, alors que sa colossale puissance éolienne/photovoltaïque, bien supérieure à celle de notre parc nucléaire mais ne fournissant plus rien dès la tombée de la nuit, ne lui avait même pas permis, depuis 2002 de fermer le moindre MW de centrale pilotable.

Cette situation menaçait la France, qui devait, quelques jours plus tard, connaître un pic de consommation supérieur de presque 20 000MW.
C'est pourquoi l'autorité de sûreté nucléaire a autorisé le redémarrage du réacteur de la centrale de Civaux en ajournant le contrôle que justifiait un taux de carbone jugé excessif dans les fonds de ses générateurs de vapeur, fournis par les aciéries japonaises (JCFC).

Cette décision responsable de l'ASN a aidé le réseau européen à terminer la 3ème semaine de janvier sans encombres, malgré un parc éolien français chutant à moins de 5% de sa puissance installée, avec 508 MW disponibles pour un parc de 12 000MW et, au même moment, un parc éolien allemand ne dépassant pas 1,5% de sa puissance installée, avec 0,77GW disponibles pour 49 GW installés. Fort heureusement, en fin de semaine, avec une demande de la consommation réduite.

L'hydraulique, énergie pilotable

Le stock hydraulique du système électrique français, bien que considéré "renouvelable" ne l'est pas indéfiniment à l'échelle d'une saison et, avant de crier victoire devant la vague de froid, un regard sur son état est nécessaire.

Source https://clients.rte-france.com/lang/fr/visiteurs/vie/prod/stock_hydraulique.jsp

Car même pour l'hydroélectricité, pourtant considérée "pilotable", les aléas météorologiques ne permettent pas la même production d'une année sur l'autre, et le passage de cette première vague semble en avoir creusé le déficit.
Et c'est bien de ce paramètre que risque de dépendre la sécurité de notre approvisionnement dans les semaines à venir si le froid devait revenir.

Car ce n'est pas sur nos voisins qu'il nous faudra compter, sachant que c'est la France, 1° exportateur mondial grâce à son parc nucléaire, qui régule d'ordinaire le réseau européen.
Et non l'inverse.

Pour assurer la sécurité d'approvisionnement, même en cas de froid centennal, c'est bien d'une marge supplémentaire de nos moyens pilotables que nous avons besoin et non de moyens de secours de type "roulette russe", c'est à dire laissant au seul hasard le soin de notre sécurité.
Et dès lors que nous disposerons de ces moyens pilotables, quelle valeur ajoutés pouvons nous attendre d'intermittents de la profession, dont le principal effet est de ruiner la rentabilité de ceux dont nous ne pouvons nous passer?

Des analyses pour le moins contrastées

La filière industrielle en a tiré la conclusion que l'éolien est un remède énergique face aux froids anticycloniques.
Affirmation qui peut surprendre lorsqu'on sait que les situations de froid anticycloniques correspondent généralement à une période sans vent.
Et il serait tentant de répondre que c'est une affirmation qui n'engage qu'elle...si elle n'engageait pas en même temps notre sécurité d'approvisionnement.

Il a aussi été répété que l'éolien avait désormais fait la preuve de sa compétitivité.
Mais compare-t-on le prix d'un parachute qui s'ouvre lorsqu'on tire sur la poignée avec celui d'un parachute qui s'ouvre une fois sur 4?

Au prétexte que les kWh intermittents sont mélangés avec les kWh pilotables dans le même réseau électrique, est il raisonnable de comparer la valeur de ces 2 produits?

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