Matthieu Kedzierski
31/01/2017
Commentaire: Les gouvernants de la Haute Marne ont, malheureusement, de biens meilleurs résultats quand il s'agit d'implanter des éoliennes sur le territoire que quand il faut motiver des médecins à s'implanter...
php
Extraits
" L'examen des données publiques disponibles sur les professionnels de santé dresse le portrait d'une région qui, à quelques départements près, n'est pas toujours en grande forme...
1) Nombre de médecins: trois départements du Grand Est loin devant les autres
Sur le papier, seuls trois départements du Grand Est affichent des chiffres globalement au-dessus des moyennes nationales. Mais ce constat doit être nuancé.
Le Grand Est est-il mieux ou moins bien loti que les autres régions sur le plan de la démographie médicale ? Alors que la santé sera une des grandes thématiques de l’élection présidentielle à venir, nous nous sommes penchés sur la question. Pour y voir plus clair, nous avons passé au crible les effectifs de médecins, spécialité par spécialité et département par département. En nous basant sur les chiffres du ministère de la Santé, " (...)
"Si la dotation en médecins varie en fonction des spécialités, une tendance se dégage tout de même à l’examen de cette carte : la plupart du temps, les trois départements où se trouvent les facultés de médecine (Marne, Meurthe-et-Moselle et Bas-Rhin) ont des effectifs supérieurs à la moyenne nationale, tant pour les spécialistes que les généralistes. La Meuse, en revanche, semble particulièrement mal placée dans tous les secteurs. Encore faut-il corréler ces chiffres avec ceux de la population… Un territoire qui perd des médecins, s’il perd aussi des habitants, ne sera pas forcément en situation de tension. En revanche, s’il perd des médecins alors que sa population augmente, cela se complique !
L’Atlas de la démographie médicale en France, qui a documenté l’évolution du nombre de praticiens et de la population sur dix ans, entre 2007 et 2016, permet justement d’affiner la première impression donnée par l'examen des effectifs. Il en ressort que les trois départements du Grand Est qui ont la moins bonne dynamique médicale sont : la Haute-Marne (-14.3% de médecins en dix ans pour une augmentation de la population de 0,8%), les Ardennes (-10,8% pour +2%) et la Meuse (-5,9% pour +3,3%). A l’inverse, ceux qui s'en sortent le mieux sont le Bas-Rhin (6,3% de médecins en plus pour une croissance de 3,7% de la population), le Haut-Rhin (+2,9% pour +4,5%) et la Marne (+1,5% pour +2,6% ). La Moselle (+0,1% pour +2,9%) et la Meurthe-et-Moselle (0% pour +3,1%) sont dans le ventre mou.
2) De moins en moins de généralistes
Tous les départements du Grand Est sont concernés par une pénurie criante de généralistes, tandis que le nombre de spécialistes progresse.
Selon les chiffres sur dix ans du Répertoire partagé des professionnels de santé, le nombre de spécialistes augmente de manière générale dans le Grand Est, parfois très fortement, tandis le nombre de généralistes est partout en recul, sauf dans les Vosges.
« Il n’y a jamais eu autant de médecins en France et dans le Grand Est, mais c’est au détriment des généralistes », appuie le Dr Vincent Royaux, président du Conseil régional de l’Ordre. « Même depuis le plan qui instituait les zones fragiles en 2007, on en a perdu 377 dans la région. » Pourtant, quelque 7% du territoire lorrain est situé en « zones fragiles », ces endroits où la puissance publique veut favoriser l’installation de médecins, notamment grâce à des avantages financiers. « Aujourd’hui, si on ne fait rien pour revaloriser la médecine de consultation, et notamment la médecine générale, on va continuer à creuser ce déficit », s’alarme le Dr Royaux. La tâche s’annonce ardue. A durée de formation presque équivalente, d’importantes différences de revenus existent entre spécialistes et généralistes. Les contraintes de l’exercice du métier ne sont pas les mêmes non plus… Des solutions de plus en plus répandues comme les maisons de santé pourront peut-être contribuer à inverser la donne.
Toutes les spécialités n’ont pas, pour autant, le vent en poupe. Certaines progressent fortement, comme l’anesthésie, la cardiologie, le radiodiagnostic, la psychiatrie ou la gériatrie (en cinq ans, le Grand Est est passé de 126 à 160 gériatres). A l’inverse, les effectifs de praticiens stagnent en ophtalmologie ou en gynécologie, quand ceux des dermatologues ou des médecins du travail reculent carrément. Et compte-tenu du vieillissement du corps médical et des délais de formation, la tension dans ces spécialités mal dotées risque de s’accentuer d’ici quelques années.
3) Une pyramide des âges compliquée
La population de médecins dans le Grand Est est globalement vieillissante. Dans les Ardennes, l'Aube ou encore la Haute-Marne, la moyenne d’âge est particulièrement élevée. Pour le Grand Est, selon l’Atlas de la démographie médicale, l’âge moyen des médecins généralistes est de 51,9 ans et celui des spécialistes de 50,8 ans. Mais il y a moins de nouveaux entrants dans la profession que de seniors : 15% des généralistes ont moins de 40 ans et 26% plus de 60 ans. Les jeunes spécialistes sont un peu plus nombreux (21,5% ont moins de 40 ans), ce qui s’explique en partie par la désaffection pour la médecine générale, comme on l’a vu plus haut. Les chiffres sont encore moins bons pour la seule Lorraine: la part des plus de 60 ans y est de 27%, pour un âge moyen de 52 ans et une part de retraités actifs de 5,4%.
Dans le détail, tous les départements ne sont pas logés à la même enseigne. Là encore, la Marne, la Meurthe-et-Moselle et le Bas-Rhin, départements où sont situés les CHU, sont les plus « jeunes ». Les Ardennes, l’Aube et encore plus sévèrement la Haute-Marne sont les territoires où le renouvellement du corps médical pose le plus problème. Une explication simple à cela, selon le Dr Vincent Royaux : « Quand vous avez 30 ans, que vous avez vos habitudes et vos contacts dans le secteur où vous avez fait vos études, vous n’allez pas forcément aller vous installer dans la Lorraine profonde. On a appris à nos jeunes médecins à connaître l’hôpital, il faudrait favoriser les stages en périphérie des CHU pour améliorer les choses. On est plus enclin à reprendre la suite de quelqu'un chez qui on a été en stage ».
4) Les autres professions de santé inégalement représentées
Infirmiers, opticiens, kinés sont en forte expansion, pharmaciens et dentistes ne suivent pas la même dynamique.
Tous les départements du Grand Est ont vu, sur dix ans, exploser le nombre de leurs infirmiers, de leurs opticiens-lunetiers et de leurs masseurs-kinésithérapeutes (voir ici le tableau avec le détail des effectifs). On peut en partie supposer que le vieillissement de la population n'y est pas étranger... Mais les effectifs de sages-femmes sont aussi en progression notable, sauf dans les Ardennes et la Haute-Marne où ils stagnent voire reculent légèrement. A première vue, la situation est beaucoup plus contrastée pour les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens.
Pour les pharmaciens, les effectifs sont en recul dans les Vosges, la Marne, les Ardennes et la Meuse. Ils progressent ailleurs, notamment dans la Haute-Marne, l’Aube, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle. Mais là encore, il convient de se méfier des chiffres bruts, qui ne suffisent pas à dresser un état des lieux réel. Selon l’ordre des pharmaciens, le Grand Est perd certes des officines, mais plutôt moins que les autres régions (plus de 1000 pharmacies ont disparu en France depuis dix ans, principalement dans les grandes villes). C’est aussi un territoire prisé par les jeunes pharmaciens qui s’installent, surtout dans les secteurs les plus ruraux.
Concernant les chirurgiens-dentistes, le Grand Est fait mentir l’idée (généralement exacte, comme pour les pharmaciens) que le Sud attire plus les praticiens que le Nord. En effet, alors que le ratio national est de 63 dentistes pour 100.000 habitants, il est de 66,3 pour le Grand Est. Mais là encore, dans le détail, de grosses différences d’attractivité existent entre les départements. Haute-Marne (46,2 dentistes / 100.000 hbts), Meuse (46,7) et Ardennes (49,1) sont franchement sous-dotés, quand la Meurthe-et-Moselle se porte bien (72,6). Mais c’est le Bas-Rhin qui explose tous les compteurs : avec une densité de 87,6 dentistes pour 100.000 habitants, il est tout simplement le 4e département de France au classement ! "(...)
Méthodologie
Les chiffres utilisés pour réaliser ce dossier sont issus des données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la Santé, arrêtées au 1er janvier 2016. Ces statistiques sont élaborées à partir du Répertoire Partagé des Professionnels de Santé (RPPS) auquel tous les médecins sont tenus de s’inscrire. Nous nous sommes également appuyés sur les rapports nationaux et régionaux de l'Ordre national des médecins. Vous pouvez du reste approfondir l’exploration en consultant la carte interactive réalisée par cet Ordre, qui propose une analyse fine par bassin de vie.
Des différences existent entre les chiffres de l'Ordre et le RPPS. Un médecin est inscrit une seule fois à l’Ordre, même s'il a plusieurs activités. En revanche, le Répertoire partagé des professionnels de santé le recense plusieurs fois en cas d’activité multiple. Il y a donc en réalité moins de médecins que dans le recensement du RPPS, mais ces chiffres restent significatifs : une permanence de médecin, même si elle n’est qu’à temps partiel, reste un service bien réel pour la population.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire