Berlin douche les espoirs de l’UE sur les renouvelables

Par : Frédéric Simon


Commentaire : "chat échaudé, craint l'eau froide" 👉

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Peter Altmaier [EPA-EFE/JULIEN WARNAND]

Le ministre allemand à l’Énergie s’oppose à un objectif de 33 ou 35 % de renouvelables d’ici 2030. Il a aussi associé le manque de confiance des électeurs européens dans la classe politique aux ambitions « irréalisables » sur les renouvelables .

Lors d’une réunion des ministres de l’Énergie à Luxembourg le 11 juin, Peter Altmaier, le ministre allemand, a fustigé les objectifs « irréalisables » de l’Union en termes d’énergies propres. Pour lui, cela fait partie des raisons pour lesquels les électeurs ne font plus confiance aux cercles politiques.
Les ministres ont donné leur feu vert pour le début des négociations avec le Parlement sur le règlement concernant l’actualisation du rôle de l’ ACER, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie de l’UE.
Mais les trois autres projets liés à l’énergie propre, (directives renouvelables, efficacité énergétique et règlement gouvernance), restent bloqués, faute d’accord des 28 sur les objectifs à cibler.
« L’Allemagne soutient des objectifs responsables, mais atteignables », a indiqué Peter Altmaier dès le début de la rencontre, soulignant les efforts consentis par Berlin pour faire passer la part des énergies vertes à 15 % dans le pays.
Des efforts qui coûtent cher aux citoyens allemands, soit environ 25 milliards d’euros par an, selon lui. « Et si nous adoptons des objectifs qui dépassent les 30 %, cela impliquerait plus d’un doublement de cet effort dans les dix ans à venir. »

Quant à l’objectif de mettre 1 million de voitures électriques en circulation d’ici 2020 sur les routes allemandes, « nous n’y parviendrons pas », estime-t-il. « Aucun pays européen ne peut faire ça. Et même si nous parvenions à mettre en circulation assez de véhicules électriques, nous n’aurions pas assez d’énergie propre pour les alimenter », assure-t-il.
Il est donc favorable à « un compromis sans objectifs irréalisables » au niveau européen. « Les citoyens de toute l’Europe perdent confiance dans la politique. Quand ils nous voient instaurer des objectifs très ambitieux puis, quelques années, les manquer, nous ne répondons pas à leurs attentes. »

Coalition progressiste
L’intervention du ministre allemand a été qualifiée de « pathétique » pas Claude Turmes, principal négociateur du Parlement sur le dossier, qui deviendra ministre de l’Énergie au Luxembourg d’ici la fin du mois.
Ses déclarations ont eu l’effet d’une douche froide sur les États qui appelaient à une redéfinition à la hausse de l’ambition du paquet législatif sur l’énergie propre.
L’Espagne et le Luxembourg, qui se sont exprimé avant l’Allemagne lors du Conseil, sont tous deux en faveur des objectifs rehaussés, à 35 %, proposés par le Parlement pour les renouvelables et l’efficacité énergétique. Le Danemark, la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède soutiennent également un objectif plus élevé que celui qui était discuté.

Brune Poirson, secrétaire d’État française à l’Écologie, a défendu une « ambition forte » au niveau de l’UE pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, dont les signataires se sont engagés à empêcher un changement climatique dangereux en limitant le réchauffement climatique à 2°C.
La France est prête à soutenir un compromis sur l’efficacité énergétique d’« environ 33% », à mi-chemin entre les positions du Parlement européen et des États membres, a-t-elle indiqué. En ce qui concerne les énergies renouvelables, elle estime que 32 % serait « un bon compromis ».
Il est tout aussi important, soutient-elle, de mettre en place un mécanisme de compensation, au cas où des pays européens trainent sur les objectifs fixés dans le paquet législatif. Un avis partagé par Peter Altmaier, qui a déclaré que l’Allemagne était prête à soutenir une solution de compromis sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
« En ce qui concerne le secteur du chauffage et du refroidissement, nous sommes également prêts à nous rapprocher du Parlement européen », a-t-il par contre indiqué.
Les discussions sur les trois projets de loi de l’UE devraient s’achever le 13 juin, au cours de pourparlers tripartites entre le Parlement et le Conseil, la Commission jouant le rôle de médiateur.
Les eurodéputés veulent plus de renouvelables que les chefs d’États. Le compromis devrait se traduire par un objectif de 30 à 33 % d’énergies renouvelables pour 2030.

Višegrad en porte à faux
Les chances de parvenir à un accord « ambitieux » plus proche de la position du Parlement lors des trilogues semblent à présent plus minces sans le soutien total de l’Allemagne.
Le groupe de Višegrad, composé de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie et de la Pologne, a réitéré son opposition au relèvement du niveau d’ambition de l’UE. La Hongrie a par exemple déclaré que toute hausse de l’objectif en matière d’énergies renouvelables devrait déclencher une nouvelle évaluation d’impact de la Commission européenne, une procédure longue qui retarderait l’adoption de la directive.

Cependant, tout espoir n’est pas perdu, selon Claude Turmes, qui a noté que les changements de position des nouveaux gouvernements en Espagne et en Italie ont fait tomber la minorité de blocage qui était contre un objectif de 33 % pour les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Varsovie pourrait également se distancer de ses alliés sur ce sujet. Le vice-ministre polonais de l’Énergie Michaël Kurtyka, a en effet déclaré : « notre message doit être à la fois ambitieux et crédible » en vue de la conférence COP24 qui se tiendra à Katowice en décembre 2018.
La présidence bulgare de l’UE a présenté de nouvelles options pour les ministres de l’Énergie qui se réunissent le lundi 11 juin. Objectif : finaliser trois lois qui détermineront la politique énergétique et climatique de l’Europe jusqu’en 2030.


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