12 septembre 2010
Commentaire : À force de médiatiser les progrès technologiques du solaire et de l'éolien, on en aurait presque oublié ceux du nucléaire. Petite piqure de rappel.
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Masao Tamada* est directeur de recherche à l’agence japonaise pour la recherche sur l’énergie atomique (JAERI), qui est l’équivalent au Japon du Commissariat à l’énergie atomique.
Il a travaillé sur de nombreuses résines échanges d’ions qui pourraient extraire les métaux de l’océan. Il a en particulier réalisé deux séries d’expériences importantes pour récupérer de l’uranium de l’eau de mer. À cette date, seul notre site énergie-gouv.fr fait connaître Masao Tamada en France. En effet : suite à son lâchage par le pouvoir politique en 1997, le CEA concentre ses faibles ressources dans la mise au point d’un surgénérateur compétitif avec les réacteurs de troisième génération [1] , le CNRS quant à lui progresse dans l’indifférence générale sur les fabuleux réacteurs au thorium. L’extraction de l’uranium de l’eau mer a néanmoins été remarquée par l’Agence internationale pour l’énergie atomique.
Après les piètres performances des adsorbants au dioxyde de titane testés dans les années 60, l’équipe de Tamada a mis au point par une synthèse originale une résine en polyéthylène greffée par des ligands amidoximes. Deux expériences ont été menées, d’une part avec des paniers, d’autre par avec des filins garnis de membrane.
Les expériences ont été réalisées dans le Courant noir qui longe Japon, sa vitesse est d’environ 3 m/s un peu plus rapide que celle du Gulf Stream, mais il existe dans la Manche des zones de courant jusqu’à 5m/s. Il n’y a pas de pompage à fournir pour que l’adsorbant récupère les ions métalliques à l’état de traces dans la mer comme l’uranium dont la concentration est de l’ordre de 3,3 mg/m3. Il y a plusieurs manières de disposer le système fixe, on peut tirer des câbles entre les éoliennes marines et y accrocher des paniers ou placer des filins au fond de la mer pour ne pas gêner la navigation :
Partons sur l’hypothèse très raisonnable d’un gramme d’uranium piégé par kilogramme d’adsorbant en 60 jours. Les besoins de la France au long du XXI ème siècle seront de l’ordre de 8000 tonnes d’uranium naturel par an. Cette quantité permet de produire aujourd’hui 400 TWh , mais divers procédés d’optimisation (meilleur rendement de l’ EPR, appauvrissement jusqu’à 0,1% en 235U et retraitement du combustible) conserveront ses besoins pour les 700 TWh dont nous aurons besoin pour sortir des fossiles.
Les besoin en polymère sont donc de 1,6 million de tonnes. En envisageant 5 récoltes par an, le polymère aurait alors une durée de vie d’au moins deux ans.
Si les marins ramènent 8000 tonnes par an en 300 jours , il faut ramener 27 tonnes d’uranium par jour soit 27 000 tonnes d’adsorbant ce qui serait de l’ordre de 50 000 m3 : soit le volume de mille gros chalutiers. Ce qui est tout à fait envisageable. En comparaison la France doit importer 90 millions de tonnes de pétrole par an ce qui nécessite d’importer et de distiller 250 000 tonnes par jour provenant de milliers de km : dix fois plus en masse que la quantité de polymère qu’il faudrait rapporter. Les 400 TWh à 700 TWh électriques qui seront produits à l’aide de cet uranium sont équivalent à 120 à 210 millions de tonnes de pétrole.
Physiquement l’empreinte écologique est plus faible que celle de l’éolien marin, ce dernier réclame 60 km2 de fonds peu profonds par TWh, Tamada envisage de récolter 1200 tonnes dans la zone représentée plus haut soit 1,2 tonne U par km2, soit 10 à 17 km2 par TWh.
Enfin économiquement, la collecte de 10 g d’uranium par kg de polymère en dix rotations reviendrait à 1 100 €/kg, même si ce ce prix est dix fois le prix de l’uranium minier des années 90, il ne représente qu’un surcoût de 2,2 c€/kWh bien en deça des surcoûts de l’éolien terrestre (+4 c€) , de l’éolien marin (+14 c€) ou du photovoltaïque (+54 c€).
En fait grâce à Masao Tamada la filière nucléaire REP devient renouvelable à un coût de 10 à 11 c€/kWh HT au compteur électrique , et sans neutrons rapides. En utilisant seulement l’effet Joule elle est compétitive avec le pétrole distillé à 160 €/baril. Pour une telle avancée pratique, Masao Tamada mérite un prix Nobel.
L’extraction de l’uranium de l’eau de mer se déploiera lorsque la production des mines d’uranium ne pourra plus suivre l’augmentation du parc nucléaire. Sans augmentation des capacités de retraitement du combustible usé, ceci est envisageable dès un triplement du parc, c’est à dire au plus tôt en 2040. En effet, même si on utilise l’uranium des phosphates et le retraitement, et même si on déploie des réacteurs rapides, il faudra bien alimenter à la fin du XXI ème siècle, les réacteurs à neutrons lents que l’on construit aujourd’hui et qui ont une durée de vie de plus de 60 ans.
L’extraction de l’uranium de l’eau de mer et son utilisation par les REP ou l’utilisation de l’uranium minier par les réacteurs rapides rend l’énergie nucléaire durable pour plusieurs milliers d’années. Mais si on couple l’extraction de l’uranium de mer à des réacteurs rapides, la ressource est renouvelable à l’échelle géologique car l’uranium apporté par les fleuves dans la mer permettrait d’alimenter 16 000 GW réacteurs rapides, ce qui assurerait le niveau de vie d’un français de 2010 à 8 milliards d’habitants sans émission de carbone et sans déchets radioactifs à vie longue.
[1] pour être précis, le centre d’études nucléaires de Cadarache a néanmoins vérifié en 2009, l’extraction de l’uranium de l’eau de mer en aval d’une usine de désalinisation
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