Les lobbys de la chasse attendent un coup de pouce présidentiel

Arnaud Gonzague


Session de chasse près d'Angers, le 17 septembre 2017. Jean-François Monier AFP


   Une note sur la chasse est remise ces jours-ci à Emmanuel Macron. Elle pourrait augurer quelques coups de pouce aux chasseurs.
   C'est une note confidentielle qui devrait être remise ces jours-ci à l' Élysée et à Matignon par Sébastien Lecornu, secrétaire d' Etat auprès de Nicolas Hulot. Confidentielle... mais qui risque de faire grand bruit. Car elle trace quelques pistes pour réformer les usages du monde de la chasse, univers qui a toujours su défendre vigoureusement ses intérêts.
   Sereine, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) semble d'ailleurs avoir grande confiance dans l'exécutif. Et pour cause : au plus haut niveau, c'est-à-dire à l' Élysée, tous les signaux sont à la bienveillance pour cette pratique qui concerne plus d'un million de Français. Willy Schraen, président de la FNC, s'enthousiasme : "Emmanuel Macron est tout de même le candidat qui a promis au congrès de la Fédération qu'il allait développer la chasse française, jugée par lui maillon essentiel de la ruralité. Ses propos ont été très clairs sur ce point."
   Après les déclarations, la FNC attend donc des actes. Voici les trois points sur lesquels portent ses attentes.

1. Qu'on ne lui mette pas de scientifiques dans les pattes
   C'est un point d'organigramme d'allure technique, mais qui est tout à fait politique. Les chasseurs veulent la garantie que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ne passera pas sous la tutelle de l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Pour comprendre cette exigence, il faut savoir que l' ONCFS est un peu la citadelle du lobby des chasseurs. Et cette citadelle n'a aucune envie d'être dépendante des chercheurs de l' AFB, qui se préoccupent un peu trop des espèces animales et pas assez du plaisir de les tirer.
"Au conseil d'administration de l' ONCFS, les chasseurs sont à la fois juge et partie et leur voix est en situation de quasi-monopole, confirme Jean-David Abel, vice-président de France nature environnement : "Quand il a été question, en 2016, de réunir l'Office et l' AFB, ils ont freiné des quatre fers, et obtenu gain de cause. Quand la loi a prévu de mutualiser les moyens des polices de l'Office et de l' AFB, les chasseurs ont encore dit 'non'. Et le gouvernement accepte de ne pas appliquer la loi."
   Un Etat dans l'Etat, l'Office ? Willy Schraen, de la FNC, balaie la critique d'un revers de main : "Les associations écologistes affirment que l' ONCFS est noyautée par les chasseurs, mais beaucoup de chasseurs râlent contre lui, disant qu'il est noyauté par les écolos. C'est la preuve qu'il ne travaille pas si mal !"
   L' ONCFS a certes pour mission de financer quelques rapports scientifiques sur les questions de biodiversité. Mais d'après Jean-David Abel, ces rapports ne doivent pas être trop... contrariants. "L'Office a essayé d'empêcher la sortie de certaines études scientifiques, comme le rapport Lefeuvre [PDF], une étude sur les oiseaux migrateurs qui contredisait ses thèses."
   Pas sûr que l' Élysée se montre plus enquiquinant que ses prédécesseurs pour les chasseurs.

2. Qu'on renfloue les caisses des fédérations de chasseurs
   La promesse a déjà fuité dans la presse : le président Macron envisage de faire passer le permis national de chasse de 400 à 200 euros. Un gentil coup de pouce au porte-monnaie des chasseurs qui représenterait un manque à gagner d'une vingtaine de millions d'euros pour l' ONCFS, financé par ces redevances.
   Pour l' ONCFS, oui... mais pas forcément pour les Fédérations départementales de chasse ! "Elles espèrent bien récupérer une part importante de la redevance", craint Jean-David Abel, de FNE. "Si ce cadeau indu se faisait au détriment des missions de l'Office, notamment scientifiques et de police, nous ne serions pas du tout d'accord !"
   Actuellement, sur les 400 euros versés par un chasseur, 95 euros financent les structures fédérales. La FNC envisage d'accroître ce magot. Ce qui serait tout à fait justifié, selon Willy Schraen : "Les fédérations font un gros boulot qui n'est pas rémunéré. La loi Voynet notamment, a accru nos responsabilités administratives et il nous arrive de prendre en charge des tâches qui ne sont pas prévues par la loi."

3. Qu'on gère les espèces... mais pas trop
   "Gestion adaptative", c'est un peu le mot magique employé par les équipes de Sébastien Lecornu pour accorder chasseurs et ONG de protection de la biodiversité. Mais tout le monde ne met sans doute pas le même sens derrière cette "adaptation". Willy Schraen explique : "En France, il existe un système binaire. Un feu vert qui permet de chasser, un feu rouge qui interdit de chasser. La gestion adaptative, c'est un feu orange. Selon l'état des espèces, on pourra les chasser un peu plus ou un peu moins longtemps."
   La crainte qu'ont les associations, c'est évidemment que le "un peu plus" soit très encouragé − donc que l'Etat étende les dates de chasse − quand le "un peu moins" demeurera marginal. Mais ce qui importe le plus pour le leader de la FNC, c'est que les quotas ne se fassent pas à l'échelle du pays, mais au niveau européen : "Prenez l'exemple de la tourterelle des bois : elle va mal à cause d'un virus. Je suis d'accord pour abaisser les prélèvements, mais nous, Français, prélevons 100.000 tourterelles quand l'Espagne en tue sept fois plus. Il faut que la gestion soit rapportée à l'ensemble des mouvements migratoires dans tous les pays."
   Un souci louable du détail, mais qui pourrait donner une image globale peu exacte des espèces, craint Jean-David Abel : "Plus on prend une grande échelle et plus le suivi fin des populations, de leurs mouvements et de leur reproduction est difficile. On risque de n'approcher que les grandes masses, et de dire 'Il y en a beaucoup, tuons-les sans précaution." Les sous-populations des mêmes espèces ne se comportent pas partout pareil. Ce n'est pas une "masse" d'individus que les pays peuvent se répartir arithmétiquement. Mais pas sûr que les chasseurs français l'entendent vraiment de cette oreille.

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