PPE : torpiller la filière nucléaire

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Michel Quatrevalet.

Commentaire : quand des ministres et des politiques jouent contre l'indépendance énergétique de la France et donc, vs la Sureté nationale.
"La France ne peut être la France sans la grandeur"
Charles de Gaulle Mémoires de guerre.😟



 
Nicolas Hulot by Fondation Nicolas Hulot(CC BY-NC-ND 2.0)

La consultation sur la PPE posera un problème. Plus de 50% des interventions soulignent l’incohérence de la Loi sur la Transition énergétique.

Le gouvernement a ouvert jusqu’au 30 juin un débat sur la transition énergétique. « Tout le monde est d’accord pour réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% », affirme Nicolas Hulot ce lundi matin dans « Les 4 Vérités ».
La date de réalisation de cet objectif « sortira comme une évidence à la fin de cette consultation. Elle dépend de plusieurs objectifs : on doit sortir des énergies fossiles, réduire notre consommation et développer massivement les énergies renouvelables », explique le ministre de la Transition écologique et solidaire.
Il appelle les Français « à participer à ce moment de démocratie. Si cette projection sociétale n’est pas désirée par les Français, ça ne va pas marcher ».

« Ce n’est pas EDF qui décide ! »
« On ne fait pas les choses brutalement. On va faire une programmation réaliste, très exigeante et bénéfique pour nos entreprises parce qu’on va aller vers une véritable indépendance énergétique de la France« , assure-t-il.
À propos de la fermeture des réacteurs nucléaires, « ce n’est pas EDF qui décide ! », assène Nicolas Hulot. « C’est le gouvernement après consultation des Français. Une consultation de plusieurs mois, c’est inédit ».
Mais pour dire cela, M le Ministre n’avait sans doute pas lu les recommandations du rapport Percebois/Grandil publié, à la demande du gouvernement, en 2012 :
  • Recommandation n° 2 : pour chaque décision de politique énergétique, évaluer le coût et l’effet sur les finances publiques, sur la balance commerciale, sur les émissions de CO2 et sur l’emploi (à la fois en postes et en qualifications créés), par comparaison avec une décision différente, afin de dégager des priorités.
  • Recommandation n° 3 : s’interdire toute fermeture administrative d’une centrale nucléaire qui n’aurait pas été décidée par l’exploitant à la suite des injonctions de l’autorité de sûreté.
  • Recommandation n° 8 : ne pas se fixer aujourd’hui d’objectif de part du nucléaire à quelque horizon que ce soit, mais s’abstenir de compromettre l’avenir et pour cela maintenir une perspective de long terme pour cette industrie en poursuivant le développement de la génération 4. La prolongation de la durée de vie du parc actuel nous paraît donc la solution de moindre regret (sous la condition absolue que cela soit autorisé par l’ ASN). »
Il n’a sans doute pas lu non plus les rapports de nos deux plus prestigieuses sociétés savantes, l’Académie des technologies (L’avis de l’Académie des Technologies du 10 Juin 2015 sur la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte) et l’Académie des Sciences (Note de l’Académie des Sciences du 19 Avril 2017, signée par 25 membres de la Commission Energie dont la Secrétaire perpétuelle de l’Académie).
Et il ne lit sans doute pas les avis de la Cour des comptes qui remarque que presque tout l’effort financier de la PPE est dédié à l’électricité, qui était déjà décarbonée, avec une efficacité nulle sur la réduction globale des émissions de CO2.
Les points de vue et cahiers d’acteurs de la consultation sur la PPE sont des dizaines à souligner, faits et chiffres à l’appui, l’incohérence de la programmation telle qu’elle est prévue. Ils demandent tous une commission d’experts indépendante pour analyser les scenarii de l’ ADEME, de RTE, de Negawatt, jugés hautement fantaisistes.

Incohérence de la baisse du nucléaire dans le mix
Suite à une question posée sur le site de la consultation, la seule explication donnée par le « Maître d’œuvre » de la PPE sur le développement de l’éolien et du solaire est la « diversification des moyens de production, pour pallier à (sic) un éventuel problème affectant toute une filière. »
Cet argument ne tient pas ; si on craint cela, l’alternative est une filière pilotable (donc actuellement du charbon ou du gaz) et pas une filière produisant aléatoirement. De plus, nous avons vécu 40 ans sans diversification, et sans problèmes.
En réalité, la raison de l’acharnement sur le développement du solaire et de l’éolien (et donc du déclin du nucléaire) est donnée par RTE dans le « cahier d’acteur » publié sur la PPE : « Il faut développer les ENR car c’est une demande sociétale et politique forte ».
Tout est dit. En fait, cette baisse du nucléaire n’a été ni étudiée, ni mise en consultation. C’est le résultat d’un deal de dessous de table de Mme Aubry entre PS et EELV, à des fins purement électorales, et, accessoirement, pour attacher un boulet à M. Hollande.

Incohérence à propos d’EDF
Certes, ce n’est pas à EDF de décider des orientations de la France en matière d’électricité. Parce qu’elle est incontournable, stratégique, garante de sécurité, l’électricité doit être un service public, même s’il est assuré par des entreprises, privées ou pas.
Le problème, c’est que l’État impose à EDF les objectifs et les moyens. Plus EDF installera d’éoliennes et de panneaux solaires, moins ses centrales nucléaires vendront de MWh, augmentant les coûts, puisque les coûts du nucléaire sont majoritairement fixes. N’importe quelle entreprise serait sur un chemin suicidaire. Dans le cas d’EDF, on sait qui paiera : le consommateur-contribuable.
On connaît ce genre de scénario : c’est la catastrophe de la SNCF, qu’on veut rentable tout en lui imposant aussi objectifs et moyens. Celle d’EDF est pour bientôt, si l’État persévère dans sa PPE.
Mais à entendre les discours des décideurs sur le sujet, on peut se poser une autre question, encore plus gênante.

Mépris de la physique ou non compréhension hallucinante d’un sujet pourtant si simple ?

La Cour des Comptes et le ministre de l’Écologie ont admis que passer le nucléaire à 50% du mix en arrêtant des centrales nucléaires avant 2030 obligerait à construire des centrales à énergie fossile. Mais sans explication précise.
La question est : quels changements (de coûts, de technologies…) auront lieu entre 2018 et 2030, soit 12 ans, qui permettraient de penser que ce qui est impossible à 2020 ou 2025 serait possible en 2030 ?
Pour être opérationnels en 2030, ces éléments ou infrastructures nouveaux devraient être déjà en projets industriels, voire en construction, compte tenu des délais normaux des grands projets industriels.
La principale clé de succès est le stockage, puisque l’éolien et le solaire sont intermittents. Or, l’hydroélectricité est quasi saturée en France, les batteries ne seront jamais à la hauteur des niveaux d’énergie requis pour une semaine sans vent, le déploiement du stockage sous forme de gaz synthétique nécessite la construction d’un très grand nombre de sites industriels polluants (méthanisation, électrolyse, méthanation) dont la faisabilité technico économique n’est même pas validée en 2018.
La réponse à la question est : aucun changement n’est perceptible à l’horizon 2030. 

3 interprétations du futur

Alors, qu’est ce qui fait dire aux Autorités que ce ne sera pas possible en 2025, mais possible en 2030 ?
Une première interprétation serait que l’on veut habituer progressivement l’opinion à la réalité : ce mix de 50% en arrêtant des centrales n’est pas possible, sauf à échéance très lointaine et problématique, sans installer du back up à énergie fossile remplaçant du back up nucléaire. De PPE en PPE, on reculerait ainsi l’horizon.
C’est ce que la réflexion du ministre de l’Écologie pourrait faire croire : baisser le nucléaire nécessiterait des centrales à combustibles fossiles. Mais on n’ose pas dire que ce sera la même situation en 2030. Le problème de cette interprétation est qu’on ne peut dans ce cas préparer publiquement la relève nucléaire.
Une deuxième interprétation serait qu’on attend d’avoir plus de solaire et d’éolien, les 50% étant du mix énergétique : on fait moins tourner les centrales nucléaires tout en les gardant toutes pour le back up. Ce serait l’interprétation la plus rationnelle. On peut raisonner en fourniture d’énergie annuelle moyenne. Dans ce cas, l’objectif de 50% de mix énergétique pour le nucléaire est juste subordonné à la courbe temporelle d’installation des éoliennes et des panneaux solaires compte tenu des rythmes prévus. C’est ce qui doit donner un délai de 5 à 10 ans. Mais on n’arrête dans ce cas aucune centrale nucléaire, elles restent nécessaires pour le back up.
On peut arrêter vraiment des centrales nucléaires, si on fait des progrès en lissant la pointe pour diminuer le montant total de back up de sécurité, à consommation annuelle égale. Pourquoi pas, mais il faut réaliser les progrès d’ici 2030 : quels leviers ? On retombe sur l’analyse des technologies possibles, énumérées plus haut. En outre, pour faire cela, il n’y a aucun besoin d’ ENR supplémentaires.
Le problème de cette interprétation est également qu’on torpille littéralement la filière nucléaire tout en en ayant besoin. Les répercussions sont sur les coûts et surtout sur la sécurité (stop and go, possible diminution des frais de maintenance sous la pression financière, abandon de la recherche…)
Une troisième interprétation serait que certains au gouvernement et ailleurs pensent qu’on peut réellement y arriver à consommation électrique constante ou en baisse. Cela implique soit d’ignorer la nécessité d’un back up de l’intermittence, et ne raisonner qu’en moyenne annuelle sur les énergies, ou même de confondre mix en énergie et mix en capacité de production.
Compte tenu des déclarations du Ministère, des écrits de la Cour des comptes, tout ça repris dans des journaux comme le Monde, on peut parfois effectivement craindre la confusion entre mix énergétique et mix de capacité ; les chiffres cités ça et là, de 17 centrales voir 25 centrales à fermer sont visiblement issus d’une règle de trois opérée sur les capacités.

Un exemple de ce type de calculs : extrait de l’article de M Le Hir, du Monde du 10 juillet 2017 :
"Un calcul simple permet de fixer les idées. Le parc atomique hexagonal, d’une puissance de 63,2 gigawatts (GW), se compose de 58 réacteurs, ou tranches. Réduire de 76,3 % (chiffre de 2015) à 50 %, soit d’environ un tiers, la part de l’électricité d’origine nucléaire suppose, à production électrique constante, de réduire d’un tiers la taille de ce parc, donc de mettre à l’arrêt une vingtaine de tranches.
Il faudrait même aller un peu au-delà. En effet, les 58 unités ne sont pas toutes de même puissance : 34 d’entre elles – les plus anciennes, mises en service entre 1977 et 1987 – sont de 900 mégawatts (MW), 20 de 1 300 MW et 4 – les plus récentes, Chooz B1 et B2 et Civaux 1 et 2 – de 1 450 MW. Les premières pèsent donc moins dans la balance. Comme il est logique de penser qu’elles seront aussi les premières visées, il faudra en « sacrifier » davantage que si le couperet tombait sur des réacteurs plus puissants.
Un autre paramètre est à prendre en compte. La loi de transition énergétique vise à la sobriété : la consommation d’énergie finale de la France devra être réduite de 50 % en 2050, et de 20 % dès 2030. Sauf à imaginer un transfert massif des besoins énergétiques vers l’électricité (avec le développement des véhicules électriques notamment), ou une montée en flèche des exportations d’électricité, la production électrique nationale est donc appelée à baisser. Ce qui, mécaniquement, fera aussi chuter le nombre de réacteurs nécessaires pour fournir la moitié du mix électrique.
"


L’article montre clairement que l’auteur ne comprend rien à la problématique. Il est à craindre qu’il ne soit pas le seul. Si c’est le cas au niveau des décideurs, cela fait frémir.
Le débat est donc en pleine ambiguïté.
Le rapport de la Cour des comptes, sévère à l’égard de la PPE précédente, n’est pas exempt lui-même de confusion. Et les scenarii officiels, comme ceux de RTE, sont impossibles à valider, car ils sont issus justement d’hypothèses très audacieuses sur l’évolution des consommations et des technologies, comportent des biais méthodologiques soulignés par de nombreux experts et reprennent des hypothèses (baisse des consommations) purement politiques, et démenties par d’autres acteurs comme EDF.

Une consultation sur la PPE qui souligne les incohérences

La consultation sur la PPE (au demeurant bien menée, sans trop de censure, par la Commission du Débat Public) posera un problème. Plus de 50% des interventions, y compris des émanations de sociétés savantes, et, visiblement, de spécialistes (consultants, ingénieurs) soulignent l’incohérence de la Loi sur la Transition, faits et chiffres à l’appui. Les autres interventions sont publiées soit par des lobbies industriels ou idéologiques, soit par des individualités sur un registre purement émotionnel, véhiculant des idées reçues à priori, fausses, ou des contre vérités criantes. Le contraste est saisissant pour n’importe quel lecteur.
Par ailleurs, la section « questions et réponses » du site de consultation est éloquente : chaque fois qu’un « sujet qui fâche » montrant les incohérences, est posé, la question est renvoyée à un autre organisme ou demeure indéfiniment en « attente de traitement », et pour cause.
De son côté, le Président de l’ ADEME vient d’affirmer qu’on ne changera rien.
Pour qui suit la consultation, l’impasse est criante. Mais les médias, prudemment, n’ont pas encore réagi. Le feront‑ils ?
Dans tous les cas, que l’État tienne compte ou pas de la consultation, les institutions en ressortiront affaiblies. Le problème est que la PPE n’y peut rien : c’est la Loi sur la transition écologique et la croissance verte qui s’est donné moyens et objectifs, sans différencier d’ailleurs, les moyens et les objectifs, et sans tenir compte des avis d’experts.
Cela rejoint d’autres sujets, comme les OGM ou le glyphosate, lorsque l’État se transforme en caisse enregistreuse des opinions publiques, au mépris de ses propres agences, institutions et sociétés savantes. Cela se paiera en crédibilité et confiance, ouvrant la porte à des aventures hasardeuses. Nous sommes bien à l’ère post‑moderne, décrite (et souvent appelée de leurs vœux) par les philosophes et sociologues du siècle dernier : la réalité n’est plus, finalement, qu’une construction sociale et culturelle.

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