Rencontres philosophiques de Langres
4 /10/2017
Commentaire : à tous les hommes et les femmes de mauvaise volonté, complices du lobby éolien, prédateurs du Paysage.
"La servitude est la fille de l'ignorance."
Plutarque (46-125)
L'éducation des enfants
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Digne d'être peint
Vue du parc de Méréville, par Hubert Robert*, huile sur toile. / Collection particulière/Château de La Roche-Guyon |
Contrairement à une idée communément répandue, le paysage n'est pas une notion également partagée à la surface du globe. S'il fait partie de la culture chinoise ou de la civilisation française, à l'inverse, pour certaines sociétés, le mot lui-même n'existe pas. C'est le cas, par exemple, pour plusieurs peuplades vivant en forêt. Si elles s'expriment à propos de leur environnement quotidien, de leur cadre de vie, en revanche celui-ci ne forme pas pour autant un paysage. Il est vrai que leur immersion en forêt implique une absence de vue et d'horizon. Pour appréhender un paysage il est en effet indispensable de disposer d'un certain recul. Cette juste distance se situe entre l'absence d'horizon et trop d'horizon : le paysage du marin, tournant le dos à la côte, n'existe pas plus que celui du cueilleur-chasseur dont le regard bute sur la touffeur des feuillages.
Le recul nécessaire est d'autant plus riche qu'il s'opère à l'horizontale mais aussi à la verticale, débouchant ainsi sur l'idée de point de vue, inscrite dans les toponymes de Bellevue, Beauvoir ou Beau-site, ce dernier plus récemment apparu.
Cependant l'intérêt d'un paysage ne s'arrête pas à la capacité d'être vu. Outre sa dimension physique, le paysage possède une dimension culturelle, symbolique, poétique, fantastique, etc. à partir du moment où il fait l'objet d'une valorisation à travers une représentation. Cette valorisation se cantonne parfois à l'humilité d'une carte postale ou d'un cliché familial mais il lui arrive de s'inscrire dans l'identité d'un territoire, comme l'explique Fernand Braudel dans "L'identité de la France".
La représentation du paysage en France et en Europe ne remonte guère au-delà du XVIIème siècle. Des fresques gallo-romaines jusqu'au début du Classicisme le paysage joue en effet un rôle secondaire dans la peinture : il se limite à un décor extérieur, sur le fond duquel se déroule une scène mythologique, une bataille, une fête villageoise, etc. Ce n'est qu'à partir de Claude Gellée, dit Le Lorrain (1600-1682), que les personnages s'amenuisent au point d'en devenir anecdotiques et que le paysage occupe la majeure partie de la toile pour fonder un genre à part entière, à l'égal du portrait ou de la peinture d'histoire par exemple.
Cette place du paysage dans la peinture et dans la sensibilité générale ne se démentira plus jusqu'aux interventions actuelles de l' Art en paysage.
À la fin du XVIIIème siècle, le mot paysage est associé au mot pittoresque qui signifie digne d' être peint. De la toile, le pittoresque passe au domaine des jardins et désignera une des plus longues périodes de cet art, englobant entre 1760 et 1914, les parcs à fabriques, le jardin anglo-chinois, les parcs paysagers ou à l'anglaise et le jardin romantique dont le dénominateur commun est d'être composés comme une suite de tableaux de paysage. D'intercesseur au paysage, les parcs deviennent alors des morceaux de nature inventés et ouverts en même temps sur la campagne.
Au XIXème siècle émerge une véritable littérature du paysage, avec des publications comme les "Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France" de Charles Nodier (1780-1844), prélude au tourisme de paysage et aux cartes routières indiquant les points de vue et les routes pittoresques. Faites par et pour des parisiens, pour lesquels la forêt est l' antidote sauvage et hygiéniste à la ville polluée, une grande partie de ces itinéraires est bordée de forêts et réduit le paysage à celui des cueilleurs-chasseurs. Le grand mérite des "Voyages pittoresques" et des cartes touristiques reste néanmoins la mise en évidence su faire valoir réciproque entre bâti et paysage.
*Hubert Robert
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