15/06/2018
Jusqu’où le contrôle doit-il aller ? Tout cela semble en tout cas s’effectuer avec le moins de bruit possible. Peut-être pour éviter que quelques questions soient posées…
Réalité dystopique
« Tant que Winston demeurait dans le champ de vision de la plaque de métal, il pouvait être vu aussi bien qu’entendu. Naturellement, il n’y avait pas moyen de savoir si, à un moment donné, on était surveillé. Combien de fois, et suivant quel plan, la Police de la Pensée se branchait-elle sur une ligne individuelle quelconque, personne ne pouvait le savoir. On pouvait même imaginer qu’elle surveillait tout le monde, constamment. Mais de toute façon, elle pouvait mettre une prise sur votre ligne chaque fois qu’elle le désirait. On devait vivre, on vivait, car l’habitude devient instinct, en admettant que tout son émis était entendu et que, sauf dans l’obscurité, tout mouvement était perçu. »
Le parallèle avec 1984, le roman dystopique de George Orwell fut immédiatement établi lorsqu’en 2017 le monde pris connaissance du système de surveillance déployé en Chine. 176 millions de caméras, soit une caméra pour 8 habitants. Une partie de celles-ci désormais équipées d’un système de reconnaissance faciale plus performant que l’œil humain. Leurs images alimentant une gigantesque base de données contrôlée par le ministère de la Sécurité publique. Et étrangement, un nombre d’appareils particulièrement important dans la province autonome du Xinjiang, peuplée à 45 % par la communauté musulmane ouïghoure, contre laquelle Pékin mène une politique répressive.
Résultat ? Des situations devenues quotidiennes, comme celle racontée par Simon Leplâtre, dans Le Monde :
« Shanghai, un après-midi d’automne. Alors que l’agent qui fait la circulation a le dos tourné, un homme entre deux âges traverse au rouge. Quelques secondes plus tard, son visage apparaît sur les écrans installés dans les arrêts de bus du quartier. Il y restera, en alternance avec celui d’autres contrevenants, jusqu’à ce qu’il aille s’acquitter d’une amende de 20 yuans (2,60 euros) au commissariat du quartier. »
C’est sur un écran géant qu’apparait la photo des passants n’ayant pas traversé au niveau des passages piétons.
Sophie Richardson, de l’ONG Human Right Watch, résume en décembre 2017 cette nouvelle réalité :
« Les autorités peuvent savoir où vous allez, qui vous voyez, de qui vous êtes proches… même si vous ne présentez pas de menace pour la sécurité publique. »
Le gouvernement chinois ne compte pas s’arrêter là. Le nombre de caméras devrait atteindre 626 millions d’ici 2020. C’est-à-dire une caméra pour deux habitants.
La France à l’abri ?
« Heureusement que la France est un Etat de droit ! » se rassure-t-on en apprenant ces nouvelles. Jusqu’à lire dans La Croix le bilan du Ministère de l’Intérieur. Gérard Collomb veut moderniser la police et les services de renseignement français. Jusqu’à présent, cette démarche passait par le déploiement de caméras et de tablettes connectées, liées au nouveau fichier TES de fichage biométrique de la quasi-totalité de la population française.
Le ministre veut aller plus loin : « L’intelligence artificielle doit permettre, par exemple, de repérer dans la foule des individus au comportement bizarre. » déclare-t-on au Ministère.
Crédit Photo : Rishabh Varshney
S’inspirer de la surveillance électronique permanente que la Chine exerce sur ses habitants ? Le projet ne serait pas irréalisable pour la France.
Grâce à la recherche universitaire, les Français sont des champions dans le domaine des technologies numériques de surveillance. Les services de renseignement et de police possèdent déjà des systèmes d’interception des communications « silencieux » ou encore des logiciels de morpho-analyse intelligents. Pour TV5Monde, la plupart des technologies numériques de surveillance, d’identification et d’analyse prédictives sont déjà là.
« Ne manque – visiblement – aujourd’hui qu’à déployer de façon massive les derniers outils de reconnaissance faciale, pilotés par intelligence artificielle, et les généraliser. Ce qui semble être en cours de discussion dans les ministères, les centres de recherche et les services D’État. »
Le CNRS a annoncé en juin 2018 la signature d’une convention avec la Direction du Renseignement Militaire (DRM) confirmant l’intérêt de l’Etat pour le développement d’intelligences artificielles de reconnaissance d’image.
Crédit Photo : Tom Roberts
Le gouvernement a déjà légiféré activement pour autoriser les services de police et de renseignement à surveiller les échanges numériques des citoyens sans l’avis d’un juge d’instruction. Jusqu’où le contrôle doit-il aller ? Tout cela semble en tout cas s’effectuer avec le moins de bruit possible. Peut-être pour éviter que quelques questions soient posées…
Comment une telle surveillance D’État pourrait-elle être compatible avec les droits fondamentaux ? Quelle garantie ont les Français que les données biométriques ne serviront pas à des fins de répression de contestation sociale ou politique ?
« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. » Benjamin Fran
php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire