Haute-Marne : nos paysages sont notre force, halte au massacre!

Blandine Vue*
Rencontres philosophiques de Langres
4/10/2017

Commentaire : pour compléter :
« Il va bien falloir prendre parti dans la guerre en cours, entre les managers et les alliés du vivant »

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De la responsabilité des politiques et de l'ignorance dans la dégradation de la qualité de nos paysages

Les paysages haut-marnais bénéficient des atouts d'un relief vallonné, d'une grande diversité géologique qui engendre des milieux forts différents..., or depuis quelques années, nous avons tous l'impression que leur dégradation s'accélère. Nous ne les reconnaissons plus! Tous ceux que je rencontre s'en inquiètent. Et pourtant les étrangers qui s'y installent ne tarissent pas d'éloges "La Haute-Marne, c'est le plus beau pays du monde !", m'a dit un californien résidant à Clefmont. Apprenons à ouvrir les yeux.

Quels sont les points forts de nos paysages, quels sont les moteurs de leur dégradation? Comment l' écologiquement correct, l'écologie de bobos citadins et les mesures agricoles boomerang précipitent-elles la chute? Quelles sont les failles des pseudo "énergies renouvelables" qui justifient une partie des massacres actuels? Comment les "aides" diverses contribuent depuis des décennies à la banalisation de notre cadre de vie?

Le ravage des arbres de nos berges et la coupe à blanc de nos coteaux se font sous couvert de "valorisation de la biomasse". Bien qu'on surexploite, on n'a plus le droit de parler d'"exploitation forestière". La langue de bois a pris possession de nos territoires, écrasés par des aérogénérateurs qui atteindront bientôt 207 mètres, joliment baptisés "éoliennes" pour nous faire croire qu'ils ont quelque chose à voir avec nos paisibles éoliennes à eau. Et là où nos grands-pères auraient renvoyé les promoteurs à grands coups de pied "où je pense" après les avoir menés en bateau, beaucoup de nos élus rampent ! Pour quel gain pour nos territoires? Et si ce qu'on fait avec cet argent était parfois pire que rien !

Dès 2002, l'écologue du muséum d'histoire naturelle François Terrasson écrivait que la seule différence entre le nucléaire et l'éolien était que le nucléaire n'a pas droit à l'étiquette "écologiquement correct". Tous les naturalistes et économistes dénoncent cette gigantesque escroquerie qui n'a rien à faire dans nos paysages.

Jusqu'au coeur de nos villages, l'excès d'aides donne les moyens de faire n'importe quoi. Après les fenêtres élargies et les crépis impersonnels, nos façades continuent à se banaliser, cette fois sous couvert "d'isolation". Nos villages finissent par ressembler à des lotissements, perdant tout cachet...

Parce qu'on n' a pas appris à aimer la couleur de nos pierres, les plantes d'ici... Le manque d'image et d'amour, le manque de reconnaissance de la valeur de la Haute-Marne, la profusion de projets bidons, qui nous font croire que sans eux nous n'avons rien, ont tué le regard positif qu'on aurait pu poser sur notre haut potentiel. Avec des moyens bien modiques au regard de ceux qui ont été alloués aux arlésiennes, on aurait pu travailler efficacement à la valorisation de cette image. Car la demande est grande... Mais malgré les discours, les priorités sont ailleurs.

Au-delà des grands projets nocifs, le quotidien ronge sournoisement, par manque de confiance en ces petits atouts qui font l'âme de nos paysages, un arbre remarquable abattu par-ci , un mur de pierre sèche rasé par là, une haie ailleurs, une lisière ravagée à la verticale sur des mètres de hauteur par les facilités techniques offertes par le lamier, un chemin creux massacré au godet et à la tronçonneuse, privé de sa voûte accueillante et de son sol fleuri... Argent mal distribué et technique facile sont les ennemis de l' authenticité !

Les photos qui seront présentées, les coupes de paysage, l' explication de notre géologie montreront à quel point les solutions à très court terme d' industrialisation pseudo énergétique mettent nos territoires en danger et les condamnent définitivement à l' abandon. On laisse faire, quand on ouvrira les yeux nos villages auront atteint un point de non retour. On verra combien ces industrialisations menacent les véritables solutions porteuses de vie et non de mort lente ! Car notre véritable richesse, notre véritable attractivité, ce sont nos paysages paisibles, la véritable nuit, la couleur de nos pierres, même si elle ne ressemble pas à celle que valorisent les revues de décoration... Personne ne choisira de venir se ressourcer dans des villages au crépi banalisé écrasés par des armées de pales tournantes, leur ombre nocive, leurs flashs (sans compter les nuisances invisibles : bruit, infrasons... car la qualité de vie, ici, passe par le silence et la paix !), au milieu des chantiers de déforestation massive... Ou alors ces habitants seront ceux qui viennent juste parce que ce n'est pas cher, pas parce que c'est beau, paisible, ressourçant... Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure alternative pour notre avenir !

Élus, ne mettez pas la main dans l' engrenage, creusez-vous la cervelle ! L' argent facile vous anesthésie !

*Blandine Vue, Docteur es Lettres, lauréate de la Fondation Nicolas Hulot pour les classes paysage, auteur de La colonie, sur le fil du temps, sur le fil de l'eau, l' Harmattan, 2018 ;  d' Histoire de Paysages, éditions Errance / Actes-Sud 2012, ouvrage au programme des concours de l' Éducation nationale et de Flore des jardins traditionnels du Nord-Est de la France (épuisé).

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