Russie : les maladies cardiaques et Tchernobyl

Sylvestre Huet

La contamination radioactive de vastes territoires autour de la centrale nucléaire de Tchernobyl provoque t-elle aujourd’hui une augmentation des maladies cardiaques, en particulier des arythmies cardiaques chez les enfants ?
Oui, ont affirmé très fortement des scientifiques, en particulier Youri Bandajevsky. Et de nombreux moyens d’informations. Comme France Inter, Epoch Times, ou la RTBF qui titrait «Près de Tchernobyl, l’inquiétante fréquence des arythmies cardiaques». Cette crainte était fondé sur l’expérience de maladies autres que des cancers chez les victimes survivantes des bombardements nucléaires américains au Japon en 1945, mais aussi sur les « liquidateurs », les personnes qui sont intervenues à Tchernobyl après l’accident de 1986. Aussi, était-il logique que l’on se demande si la contamination en césium-137 qui touche de nombreuses populations, à des niveaux nettement plus faibles, dans les zones touchées par les retombées radioactives, pouvait avoir provoqué le même phénomène. Et les personnes et la presse qui l’affirmaient semblaient enfoncer une porte ouverte.

Mais cette crainte était-elle fondée ?
Eh bien non, répond une étude franco-russe, publiée dans le BMJ, British medical journal. Une étude au long cours, menée de 2009 à 2013 dans la région de Bryansk, en Russie. Elle a consisté à comparer la prévalence des arythmies cardiaques chez près de 18 000 enfants, de 2 à 18 ans, séparés en deux groupes. Un groupe « témoin », de 8 881 enfants, vivant sur des territoires considérés comme non contaminés et où la teneur en césium-137 des sols est inférieure à 37.000 becquerels par mètre carré. Et un groupe exposé, de 8 816 enfants, vivant sur des territoires où cette teneur est supérieure à 555.000 becquerels par mètre carré. Chaque enfant a subi trois examens (ECG, échocardiographie et mesure de la contamination en césium-137 corps entier). Et certains ont en outre été examinés plus avant (paramètres cardiaques sur 24h et analyses de sang).


Infographie montrant la zone de l’étude, tirée de la présentation qu’en fait AKTIS, le journal de la recherche à l’ IRSN.

Les résultats ? Sur les 18 152 enfants examinés, 2 526 présentaient des arythmies cardiaques. Mais la prévalence dans les deux groupes contredit la thèse d’une influence de la contamination au césium-137. Elle est en effet de 13,3% dans le groupe exposé… et de 15,2% dans le groupe témoin, non exposé. Et si l’on mesure la contamination réelle de chaque enfant, la prévalence chez ceux montrant une contamination est de 14,5% contre 14,2% pour ceux qui ne montrent pas de contamination, une différence non significative.

La solidité de l’étude semble autoriser une conclusion forte. Les contaminations actuelles ne provoquent pas de telles arythmies cardiaques. Et les affirmations inverses antérieures provenaient d’observations mal conduites. Ainsi, la conséquence directe majeure sur les enfants (jusqu’à 18 ans) de la contamination radioactive lors de l’accident demeure les près de 7 000 cas de cancers de la thyroïde observés à la fin des années 1980 et au début des années 1990 – traités par ablation de la thyroïde et un traitement compensatoire à vie – parmi les populations proches de la centrale et les plus contaminées en 1986.

L’article du BMJ est ici.
► Des explications sur les cancers de la thyroïde dus à l’accident de Tchernobyl.
► L‘augmentation des diagnostics de cancers de la thyroïde dans le monde s’explique surtout par un sur-diagnostic (étude parue dans le New England Journal of Medecine).

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