le 05/07/2018
Christine Leconte, présidente du Croaif © Karine Smadja
Après les propos tenus par le secrétaire d'État Julien Denormandie lors d'une émission de radio, Christine Leconte, présidente de l'Ordre des architectes d'Île-de-France, a tenu à réagir lors d'une conférence de presse. Et tient à alerter sur les conséquences possiblement néfastes du projet de loi Elan, qui entre bientôt en discussion au Sénat.
"Il ne faut pas être naïf : nous savons ce qu'il s'est passé dans les années 80, nous connaissons le poids du secteur du bâtiment, et ce que cela peut donner si l'argent public n'est pas bien cadré dans le choix des acteurs de la construction. Cela peut entraîner des dérives graves pour la société." C'est Christine Leconte, présidente du Conseil régional de l'ordre des architectes d'Île-de-France (Croaif), qui s'est exprimé ainsi lors d'une conférence de presse, le 3 juillet 2018. Elle réagissait notamment à l'interview donnée par Julien Denormandie, secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, à la radio France culture le matin même.
"Nous avons les mêmes débats qu'avant la loi de 77 sur l'architecture"
Pour Christine Leconte, les propos qu'il a tenus font notamment preuve d'un manque de connaissance des décennies passées. "Nous vivons un moment d'amnésie générale, nous nous retrouvons au même point que lors des débats sur la loi sur l'architecture de 1977", a-t-elle regretté. "L'architecture et la qualité de vie sont des choses fragiles et doivent être soutenues par un vrai projet d'État. Bien sûr que nous avons besoin du secteur privé pour construire. Mais nous devons redonner à tous cette envie d'une culture partagée de la qualité de vie sur nos territoires."
Tout le souci serait que le projet de loi Elan, qui entrera en discussion au Sénat courant juillet, donne trop de pouvoirs aux entreprises, notamment du fait qu'elle facilite l'accès aux contrats de conception-réalisation. Ainsi, à donner trop de poids au privé, Christine Leconte dresse un parallèle entre les conséquences possibles de la loi Elan et les dérives observées dans d'autres secteurs comme l'agroalimentaire. Pour autant, elle reconnaît que les architectes ont leur part de responsabilité dans les erreurs du passé. "Mais c'est justement pour cela que nous ne voulons pas que cela se reproduise !"
Un projet de loi qui veut s'attaquer aux "rentes"
Julien Denormandie avait donc, le matin même, longuement défendu "sa" loi Elan à la radio. "Nous avons un gros problème de logements, car il en manque des milliers", a-t-il notamment constaté - ce à quoi Christine Leconte répond qu'il aurait été préférable, plutôt que de chercher à construire à tous prix, de diminuer le nombre de logements vacants.
Le secrétaire d'État a également assuré qu'il s'attaquait aux "rentes". Dont celle des architectes via l'obligation de concours d'architecture pour les organismes de logements sociaux ? "Aujourd'hui, nous sommes dans un cadre figé. Nous pouvons passer à une économie plus libre, d'innovation", s'est défendu Julien Denormandie. "Nous permettrons toujours aux bailleurs sociaux de passer par un architecte, la loi l'imposera. Mais le bailleur pourra définir, selon les cas, le type de relation qu'il veut avoir avec l'architecte. Dans certains cas, il passera par la maîtrise d'ouvrage, dans d'autres par la conception-réalisation."
Des propos où pointent une certaine "confusion", selon la présidente du Croaif. "Même en conception-réalisation, il y a un maître d'ouvrage", précise-t-elle tout d'abord. "Et le secrétaire d'État se trompe lorsqu'il dit qu'il y a toujours un concours d'architecture dans le cadre de la construction de logements sociaux : c'est faux, et fort heureusement ! Le système a de la souplesse. Mais quand on fait une opération d'envergure, il me paraît nécessaire que le bailleur social ne soit pas le seul à choisir la qualité de ce qui va être bâti, les élus et le public doivent également être entendus." Une chose est donc sûre, malgré les mois qui passent, l'opposition de points de vue entre Gouvernement et architectes reste tout aussi forte.
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