Production électrique : les œufs dans le même panier ?

Par Michel Gay


 
Nicolas Hulot 2013 by French embassy in the US(CC BY-NC 2.0)

L’alimentation de la nation en électricité doit reposer sur des bases rationnelles, et non sur un dicton populaire rassurant mais… faux « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ».

Les dictons populaires sont souvent plein de bon sens. Ainsi, selon Nicolas Hulot, « mettre tous ses œufs dans le même panier n’est pas une bonne chose« .

Pourtant, la volonté gouvernementale de passer de 75% à 50% de nucléaire dans notre mix de production d’électricité en lui substituant des productions intermittentes d’électricité (éoliennes et panneaux photovoltaïques) n’améliore pas la situation.
Pire, elle l’aggrave.
Cet argument est un affichage purement médiatique sans souci de mélanger des œufs sains (production pilotable et bon marché) avec des œufs pourris (production aléatoire intermittente et subventionnée).

Une fausse assurance

Même dans le cas d’un défaut générique, comme ce fut le cas pour les anomalies sur des cuves de générateur de vapeur, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ne retient comme hypothèse que l’arrêt d’une dizaine de réacteurs (sur 58) correspondant à une dizaine de gigawatts (GW).
S’il y avait moins de réacteurs en fonctionnement, l’arrêt contraint et rapide d’une dizaine de réacteurs serait encore plus durement ressenti en proportion.
Et si la production nucléaire venait à s’arrêter, dans les deux cas (50% ou 75%) la perte de production serait telle que l’alimentation du pays serait compromise, surtout par une soirée sans vent (et forcément sans soleil).
Durant les 40 années d’histoire du parc nucléaire, les indisponibilités ont été limitées à moins de 10 réacteurs simultanément dans les deux cas les plus graves (une corrosion de couvercles de cuve des réacteurs et des anomalies métallurgiques découvertes sur des pièces forgées).
À partir de ce constat (arrêt total improbable et arrêt provisoire plafonné à 10 réacteurs) l’alimentation en électricité du pays serait-elle mieux garantie avec 50 % de nucléaire qu’avec 75 % ?
De plus :
  1. disposer d’une puissance nucléaire importante est un atout bien plus efficace que l’éolien ou le photovoltaïque pour faire face à un nouveau choc pétrolier
  2. le risque nucléaire ne sera pas nul tant qu’il restera un réacteur. Il n’y a donc aucune rationalité à baisser de 75 % à 50 % la production nucléaire.
Dans ces conditions, pourquoi se priver des avantages de 75 % de nucléaire ?

Entre deux maux…

 Sur les trois accidents graves survenus dans le monde (Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima), aucun n’a donné lieu à un arrêt immédiat des parcs nucléaires identiques ou similaires.
Même après l’accident de Fukushima, ce sont les conclusions ultérieures de la Commission d’enquête parlementaire démontrant que le système de sûreté était défaillant qui ont conduit à l’arrêt du parc nucléaire japonais.
Le redémarrage a dû attendre quelques années la création d’une nouvelle Autorité de sureté nucléaire, l’établissement d’une règlementation conforme aux normes internationales, et la mise à niveau de toutes les centrales.
Or, cette situation n’est en rien comparable à celle du parc nucléaire français.
Le nucléaire présente un risque d’accident grave, mais avec une probabilité très faible.
En revanche, une pénurie d’électricité aurait avec certitude des conséquences beaucoup plus dramatiques sur les populations, l’économie et l’environnement.
Avec la 2ème génération des réacteurs mis à niveau lors du grand carénage, puis avec la 3ème génération, aucun accident n’entraînera de déplacement durable de population (sauf peut-être quelques heures, par précaution, pour laisser passer le panache d’iode 131).
Il reste à en persuader les décideurs politiques qui n’écoutent que leurs électeurs et qui, dans leur grande majorité, ne maîtrisent pas la problématique de la production d’électricité.
L’Allemagne a développé une forte sensibilité antinucléaire qui pollue toute l’Europe, et particulièrement la France. Cette situation est en partie due à la désinformation entretenue par la puissance industrielle des fabricants d’éoliennes, mais aussi par la nécessité de soutenir les mineurs de charbon qu’il a fallu cajoler en subventionnant l’exploitation de lignite lors de la réunification de l’Allemagne.
Ce pays riche, fortement industrialisé et disposant de tous les moyens humains pour maîtriser la sûreté de son nucléaire, a donc abandonné ce dernier pour des raisons de… politique intérieure.

Des risques certains plus redoutables

De plus, par quoi remplacer la production nucléaire pilotable manquante, seule énergie de masse non émettrice de CO2 ?
Les énergies renouvelables pilotables (hydraulique et biomasse) ayant des capacités d’extension limitées, il ne reste essentiellement que les énergies éolienne et solaire.
Or, elles ne produisent pas en fonction des besoins mais des conditions météorologiques, et elles peuvent être absentes durant de longues périodes hivernales lorsque la demande est maximale.
Ce choix de l’éolien et du solaire photovoltaïque majoritaire induirait au moins quatre risques redoutables :
1) Un risque économique et social.
Une forte augmentation des prix de l’électricité pèsera sur la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des consommateurs domestiques, avec un risque d’augmentation de la précarité énergétique. Les Allemands et les Danois ont massivement développé ces énergies renouvelables et l’électricité domestique y est deux fois plus chère qu’en France en faisant appel aux moyens pilotables de leurs voisins, dont la France).
2) Un risque d’effondrement du réseau d’électricité.
Un parc éolien et photovoltaïque ne produit rien en l’absence de vent et de soleil. Il faut donc mettre en œuvre rapidement et massivement les moyens disponibles de secours au gaz.
Descendre en-dessous de 58 GW de nucléaire implique de construire de nouveaux moyens de production de pointe fonctionnant au gaz pour assurer la sécurité d’alimentation en électricité du pays lors des pointes hivernales de consommation.
Il est étrange que RTE retienne dans ses analyses une méthodologie « probabiliste » qui détermine une puissance éolienne garantie…  dix fois plus élevée que celle retenue par les Allemands ! Est-ce acceptable ?
3) Un risque de pénurie.
Compte tenu de la politique imposée par la Commission européenne, essentiellement fondée sur la « biculture » de l’éolien et du solaire, un risque généralisé de pénurie d’électricité se profile pour toute l’Europe.
La parade « espérée » à ce risque serait le stockage massif d’énergie comportant une part importante de stockage inter-saisonnier. Malheureusement, aux échelles requises pour stocker ne serait-ce qu’une seule journée de consommation du pays, aucune solution économiquement soutenable n’est en vue.
4) Un risque de diminution de la résilience du pays.
Une hausse importante des prix du pétrole et du gaz favorisera l’usage de l’électricité (produite par quoi ?).
Contrairement aux énergies carbonées, le nucléaire ne sera pas sujet aux risques d’épuisement des ressources avant plusieurs milliers d’années.
La « bonne » part d’électricité d’origine nucléaire doit donc être le résultat d’un arbitrage entre la consommation d’énergies fossiles, la sécurité d’alimentation, le prix pour l’économie et les particuliers, l’indépendance énergétique, et l’emploi. Et cette part optimum dans le mix électrique est certainement au-delà de 75% en France.
Cette décision, doit s’appuyer sur des études d’impact, notamment économiques, car elle aura des conséquences majeures sur l’avenir énergétique de la France et sur le mode de vie des Français.
L’alimentation de la nation en électricité doit reposer sur des bases rationnelles, et non sur un dicton populaire rassurant mais… faux « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ».

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