Haute-Marne, Langres : à l'heure de la Renaissance IV

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"Ce siècle avait Satan pour nourrice"
Agrippa d' Aubigné * (1552-1630)

(...)
"Un bilan affligeant mais des signes de vitalité et d'espoir

Les guerres civiles ont laissé un pays dévasté dans lequel les inégalités sociales s'accroissent. Les campagnes, longtemps sillonnées de gens de guerre, d'armées partisanes, ont vécu dans l'insécurité. Le très net rafraîchissement climatique de la seconde moitié du siècle a ajouté ses désastreux effets à la diminution de la production agricole, ramenant le temps des disettes... Du Nord au Sud, un spectacle désolant, celui des ruines accumulées : villes et bourgs épuisés (Wassy, Châteauvillain), villages incendiés (Doulaincourt 1563, Marcilly 1568, Le Pailly 1576, Montigny-le-Roi 1592, Trémilly 1594...), abbayes ravagées (Montier-en-Der 1563, Auberive 1568, Belmont 1569, Morimond 1591, Saint-Urbain, Septfontaines), châteaux éventrés (Choiseul 1573, Coiffy 1592, Montsaugeon 1595). Les principales cités, Langres, Chaumont, Saint-Dizier, ont dû pour résister, fournir un effort de guerre considérable ; mais elles sont désormais dotées d'une ceinture fortifiée moderne à la hauteur des menaces étrangères à venir... D'autre part, la peste n'a jamais complètement disparu. Elle a frappé à Chaumont en 1577, 1586, 1597, Saint-Dizier en 1575, 1583, 1592,1596, Langres en 1586... L'épidémie s'est propagée dans les moments difficiles, en relation avec le manque d'hygiène et de nourriture, les mouvements de population, les déplacements incessants des troupes,. Le fléau inspirant la terreur, les villes ont fermé leurs portes aux étrangers, les ont parfois murées(Langres 1587), ont construit à l'extérieur un "sanitat" (Chaumont 1577) ou des loges (Gigny, La Noue à Saint-Dizier 1596) pour éloigner les malades.


L'image de la mort, toujours très présente, continue encore d'inspirer des œuvres pathétiques dans l'esprit du moyen âge (sépulcres d' Arc-en-Barrois, de Joinville, Ceffonds, Huilliécourt). Dieu est très souvent invoqué pour apaiser les maux : chapelles, ermitages, niches à saint se multiplient pour aider les hommes à supporter le poids de leurs souffrances. Mais la foi n'empêchera pas des déviations du sentiment religieux. D'ailleurs, la reine mère "Catherine partage les superstitions de son temps, et toute la cour avec elle" (43). En outre, dans ce monde angoissé, cruel et brutal, les peurs collectives donnent lieu à un extraordinaire développement de sorcellerie. C'est à la fin du XVIe siècle et au début du suivant que l'on trouve dans notre région de nombreuses traces de poursuites de sorciers et sorcières. Chalindrey acquiert même une réputation en ce domaine, l'imagination populaire ayant fait du Mont Cognelot voisin, la résidence du diable Foulletot. Cet endroit mystérieux, couvert de landes et accrocheur de brumes à la mauvaise saison, attire les sabbats, processions nocturnes et fantastiques dans lesquelles chacun se place dos à dos pour ne pas se faire reconnaitre. Il s'ensuit des procès, supplices et condamnations à mort, notamment ceux de Clément Rabiet en 1598 et de Pierre Clerget du Pailly. D'autres villages connaitront des évènements analogues : des accusés seront brûlés à Dinteville (1594), Sommevoire, Soyers, Choiseul, Fresnes-sur-Apance, Hortes... jusqu'au début du siècle suivant. Pourtant, malgré ce contexte troublé et défavorable, le redressement impulsé par le roi Henri IV ne tardera pas ; signe que la déchirure sanglante et encore brûlante n'avait pas entamé l'énergie vitale de la nation, l'activité n'attendait que le retour de la concorde civile et de la paix extérieure pour rebondir."

(43) Catherine de Médicis, La reine mère, op. cit.page 82 (voir note n°24)


Extrait de Haute-Marne au coeur de l'Histoire, Tome 1, pages 418, 419, Claude Petitfrère - Roger Petitfrère, Collection À la Une, ISBN 978-2-9540282-2-4.

* Théodore Agrippa d'Aubigné


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