Eoliennes, panneaux solaires, voitures électriques et Cie : les 1001 pièges de l’environnement revus et corrigés par la technocratie française.
Emmanuel Macron entend fermer entre 4 à 6 réacteurs nucléaires d'ici 2030 et prévoit un essor des énergies renouvelables.
Atlantico : Plus précisément, la part de l'éolien terrestre serait multipliée par 3, celle du photovoltaïque par 5, et il souhaitait parallèlement développer l'éolien en mer. Des éoliennes, aux véhicules électriques en passant par le photovoltaïque. Comment mesurer les problématiques liées aux énergies renouvelables qui sont ignorées par une décision pouvant apparaître comme "technocratique" ?
Jean-Pierre Riou : on ignore généralement que l’usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse 2, dont la mise en service s’est étalée de 2011 à 2013, a permis l’économie des 3 réacteurs nucléaires du Tricastin qui étaient affectés à l’alimentation de la précédente usine Georges Besse 1. La puissance électrique nécessaire à celle-ci était en effet de 3 GW, contre 0,6 GW pour Georges Besse 2. Et ces 3 réacteurs supplémentaires providentiels représentent l’essentiel de la réduction du parc de production pilotable depuis. La température hivernale déterminera notre capacité à répondre aux pointes de consommation de 19 heure qui, selon le gestionnaire de réseau (RTE), augmente de 2400 MW par degré en dessous de zéro. Et RTE vient de rappeler la difficulté de faire face à une vague de froid si nous devons nous passer des 2 gros GW de charbon encore disponibles. En effet, lors de ces pointes, le soleil est couché et la variabilité du vent ne permet aucune garantie. C’est pourquoi il faut considérer le discours du Chef de l’État extrêmement prudent, puisqu’il affirme la nécessité d’une filière nucléaire robuste, ne s’engage qu’à la fermeture de 4 réacteurs, et laisse comprendre que d’ici 2030, bien de l’eau sera passée sous les ponts. D’autant qu’à cette date on devrait pouvoir compter notamment sur la nouvelle centrale à gaz de Landivisiau, sur l’ EPR de Flamanville et des projets de biomasse qui, eux, ne sont pas intermittents. Pour autant, il n’est pas certain que toutes les conséquences du développement éolien prévu aient bien été mises en perspective. En effet, le rapport franco allemand AGORA IDDRI « L‘Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 » a étudié l’interaction de différents scénarios d’évolution des mix électriques français et allemand. Ses principales conclusions, reproduites ci-dessous, mettent en lumière le piège qui se referme sur le nucléaire français, sans même qu’il semble utile de commenter. « En 2030, un parc nucléaire maintenu à des niveaux élevés devra opérer plus fréquemment en suivi de charge, contribuant à la flexibilité du système électrique » « La taille du parc nucléaire a donc une influence déterminante sur l’équilibre économique de la filière en 2030. Avec un parc nucléaire élevé, la production d’électricité est en hausse, mais les coûts du parc augmentent en raison d’une plus faible production ramenée à la capacité de production. De plus, ces productions supplémentaires sont vendues à des niveaux inférieurs car le maintien d’une capacité de production nucléaire plus importante a un effet dépressif sur les prix de marché de l’électricité* »
En France, le développement visé des énergies renouvelables et le réinvestissement dans le parc nucléaire au-delà de 50 GW comporterait un risque important de coûts échoués dans le secteur électrique. La rentabilité d'un parc nucléaire supérieur à 50 GW ne serait pas assurée en 2030, malgré l’hypothèse d’une augmentation de 60 % des capacités d'exports françaises, un doublement des interconnexions en Europe et un prix du CO₂ à 30 euros par tonne de CO₂.
* Précisons simplement que l’ « effet dépressif [du nucléaire]sur les prix de marché de l’électricité » est l’autre face de la double peine qui l’attend, et consiste à l’amener à vendre à bas coût puisque grâce à lui il n’y a pas de tension sur le marché quand le vent tombe, la peine initiale étant de ne pas vendre du tout quand il y a du vent.
On imagine l’ampleur de la restructuration évoquée du réseau qui sera nécessaire si la France imite l’intermittence de la production allemande, puisque le moindre coup de vent sur la mer du nord engorge déjà immédiatement le réseau allemand qui ne peut refouler lui-même la production de ses éolienne vers le sud de son territoire, production dont les flux « non planifiés » s’imposent sur les réseaux des pays voisins en les fragilisant. En restant ambitieux en matière d’énergies intermittentes tout en repoussant l’échéance des fermetures de réacteurs, le discours du Chef de l’État vise à ménager la chèvre et respecter le chou.
Mais c’est la chèvre qui se chargera du chou.
Du coût d'investissement conséquent à la pollution du paysage en passant par la dépendance à la météo, et par les enjeux de compensation énergétique face à la baisse du nucléaire, quels sont selon vous les problèmes liés à l'éolien et aux panneaux solaires ?
La question météorologique est la principale, car si ces 2 énergies permettaient une production garantie, même faible, elles seraient en mesure de prendre la place d’une autre technologie et cette contre partie permettrait de relativiser chacun de leurs inconvénients.
Or le solaire s’arrête la nuit et l’éolien ne vaut guère mieux lors des grands froids anticycloniques. Et l’électricité est un produit qui doit être immédiatement consommé.
Les records de puissance installée ou de production ponctuelle n’ont aucun sens. Nous venons même de voir leur possible impact délétère sur un système électrique. Les prix négatifs du MWh lors de tels records l’illustrent d’ailleurs parfaitement. Avant de traiter la pollution des paysages, ou à la destruction des oiseaux et chauves souris hachés par les pales des éoliennes, il semble nécessaire d’attirer l’attention sur la protection élémentaire des riverains. Car 2 points semblent méritent la plus grande attention avant de multiplier par 3 des éoliennes à proximité des habitations. En effet, pour pouvoir implanter légalement des éoliennes à 500 mètres des habitations comme le permet la loi, les éoliennes ont été autorisées à porter, à elles seules, le bruit ambiant, notamment devant les fenêtres des chambres à coucher, à 35 décibels (dBA), au lieu de 30 dBA dans le code de la santé publique. Cette dérogation leur a été accordée à l’occasion de leur classement ICPE en 2011. Or, leur intrusion sonore est particulièrement dérangeante et émerge d’autant plus que les éoliennes sont implantées dans des zones calmes. Le droit au respect du code de la santé publique semble un droit élémentaire pour des riverains qui sont exposés 365 jours par an à ces machines. D’ailleurs, le projet de texte de l’arrêté du 26 aout 2011 qui en fixe le régime acoustique mentionnait encore cette nécessité dans la version qui avait été soumise aux différents services de l’État, comme l’a rappelé la Sénatrice Loisier.
Le second point est la nécessité de mener enfin l’étude épidémiologique réclamée par l’Académie de médecine en 2006 et à nouveau en 2017. En effet, de nombreuses études scientifiques dénoncent leurs effets sanitaires néfastes sur les oies, les saumons, les visons, les bovins, les chevaux et les porcs. Et les plaintes de riverains sont extrêmement nombreuses concernant leurs sons de basse et très basse fréquence leurs vibrations et leur caractère impulsionnel. On ne peut se dispenser d’une telle étude au prétexte de la qualité insuffisante des preuves de la corrélation entre les symptômes décrits et la présence des éoliennes.
Dans l’attente des conclusions d’une telle étude, la précaution élémentaire semble d’adopter, comme en Bavière une distance minimum de 10 fois la hauteur en bout de pale des machines. D’autre part, éoliennes et panneaux photovoltaïques ont la même particularité d’être gros consommateurs de ce qui est le moins renouvelable : les terres rares pour leur construction et l’espace naturel pour leur exploitation.
En juillet 2017, la Banque Mondiale prévenait du risque de pénurie lié au développement de ces énergies vertes, et des batteries qui prétendent lisser les effets de leur intermittence en ces termes : « il faut s’attendre à une augmentation de la demande d’acier, d’aluminium, d’argent, de cuivre, de plomb, de lithium, de manganèse, de nickel et de zinc, ainsi que de certaines terres rares, telles que l’indium, le molybdène et le néodyme ». Car éolien et photovoltaïque sont notamment voraces en terres rares qui sont également indispensables à la transition numérique. Et deux circonstances majeures viennent s’y greffer : le quasi monopole actuel de la Chine sur les terres rares et les conditions de leur production qui devrait sceller, à court terme, une dépendance absolue à celle-ci. On connait également le scandale écologique de leur exploitation à Baotou, surnommé le village du cancer dont le rapport des Nations Unies 2016 sur les effets des rayonnements ionisants en relate ainsi les conséquences : « en ce qui concerne la phase de construction des technologies de production d'électricité, de loin la plus grande dose collective reçue par les travailleurs par unité d’électricité produite a été trouvée dans le cycle de l’énergie solaire, suivi du cycle éolien. La raison en est que ces technologies nécessitent de grandes quantités de métaux rares, et l’extraction de minerai à faible teneur expose les travailleurs aux radionucléides naturels lors de l'exploitation minière. »
Enfin, l’impact paysager des éoliennes est considérable ces machines sont hors de d’échelle avec le petit patrimoine bâtit dont elles dénaturent et artificialisent le cadre naturel. Et leur impact n’est pas subjectif mais parfaitement quantifiable. Le rapport Burette considère qu’ « en pratique, l’impact visuel croit exponentiellement avec la hauteur de l’éolienne. L’impact visuel d’une éolienne de 150 mètres est 300 fois supérieur à celui d’une éolienne de 50 M. »
L'énergie hydraulique a également été mentionnée par Emmanuel Macron et semble lui aussi présenter quelques inconvénients notamment dus au fait qu'elle affecte les écosystèmes…
L’hydroélectricité fournit actuellement un peu plus de 10% de la production totale (10,1% en 2017, 12% en 2016) et présente le double avantage d’être un atout significatif pour notre indépendance énergétique et de ne pas émettre de CO2, sauf à prendre en compte la réserve des études qui attribuent d’importantes émissions de méthane à l’hydraulicité de barrage.
En tout état de cause, il ne semble pas que de nouveaux barrages hydrauliques soient concernés par les annonces du Chef de l’État en raison du peu de potentiel encore disponible et de la vive opposition suscitée par de tels projet, comme doit le rappeler celui de Sivens. Les 2 ruptures de barrages hydroélectriques de cet été, en Colombie et au Laos fourniraient d’ailleurs aux opposants à de tels projets des arguments actualisés. Par contre, l’hydraulique de fil de l’eau semble avoir un réel potentiel. Une étude de l’Union française de l’électricité (UFE) menée conjointement avec différents services de l’État chiffre ce potentiel à 11,7 TWh, ce qui est considérable, en regard des 53,6 TWh produits en 2017 par notre parc hydraulique. Ce potentiel est malheureusement impacté à 71 % par le classement des cours d’eau en liste 1 qui interdit la construction de tels ouvrages. Interdiction qui ne laisserait plus qu’un horizon de 3 TWh disponibles. Il est impossible de trancher en l’état sur les choix les plus pertinents, car des solutions existent pour réduire considérablement cet impact sur les éco systèmes. Il devra s’agir de débats d’experts au cas par cas pour espérer plus de 3 TWh. D’autre part, la modernisation de certains ouvrages reste susceptible à la fois de réduire l’impact environnemental tout en augmentant la production. C’est le cas du plus grand chantier hydroélectrique de France, celui de Gavet qui s’étale de 2010 à 2020 et doit améliorer la production actuelle de 30% tout en enterrant de nombreuses infrastructures.
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