9 novembre 2018
« Parlons de moi, il n’y a que ça qui m’intéresse » disait Pierre Desproges. Cette citation me revient à l’esprit à ce moment où s’achève la commémoration du centenaire de la Très Grande Guerre. Je mesure dans l’agitation qui accompagne cette marche vers le 11 novembre à quel point ce que nous vivons depuis maintenant un peu plus de quatre ans, me touche bien au-delà de ce que j’aurais imaginé. Cela entre en résonance de façon parfois douloureuse, toujours émouvante avec ce qui relève de l’intime, de l’enfance, de l’éducation et du rapport à la France.
Je m’en suis expliqué et l’on trouvera ci-dessous les liens qui
renvoient aux articles où je l’ai fait. Et à l’approche de ce 11
novembre 2018 qui allait clôturer ces quatre années de commémoration, je
n’éprouvais pas l’envie ni le besoin d’intervenir à nouveau.
Considérant que la façon dont ces commémorations étaient conduites était
peut-être discutable -comment pouvait-elle ne pas l’être- mais que cela
ne justifiait pas de participer à des débats ou des polémiques aussi
justifiées soient-elles pour certaines. Pour ma part la conviction de
l’importance de la place de la tragédie dans la mémoire de notre peuple,
me rassure sur les ressources de celui-ci. Et c’est là l’essentiel.
Mais il se trouve que l’actualité immédiate produit divers
télescopages par lesquels la dimension et le vécu familial reviennent au
premier plan. Emmanuel Macron, avec cette capacité presque grandiose à
être systématiquement à côté de la plaque, a déclenché une réaction
contre lui en forme de tsunami et transformé son itinérance mémorielle
en chemin de croix. Faisant référence au « grand soldat » il a rendu au
militaire Philippe Pétain un hommage du type de ceux de ses
prédécesseurs. Il a ramassé la foudre, et pour plusieurs raisons. Tout
d’abord sa parole de chef de l’État est complètement disqualifiée, et sa
faiblesse politique et son narcissisme l’empêchent de sortir de la
nasse. Il pourrait dire : « Il fait jour à midi » que ce serait aussitôt
une tempête qui lui répondrait : « non il fait nuit, à cause des heures
sombres ». Ensuite, le problème Pétain est insoluble, car le séparer en
deux parties comme l’avait fait Charles De Gaulle, est aujourd’hui
impossible. Sa place dans la mémoire collective est désormais d’abord et
avant tout celle de ce qu’il est, un traître antisémite.
Pour ma part Philippe Pétain est « la triste enveloppe d’une
gloire passée portée sur le pavois de la défaite pour endosser la
capitulation et tromper le peuple stupéfait » (Charles De Gaulle,
18 juin 1941). Il est ensuite et aussi le traître qui fera délibérément
le choix de l’ennemi y compris dans ses aspects les plus ignobles. Il
n’y a qu’un tarif pour cette trahison, un poteau dans les fossés de
Vincennes et 12 balles, fussent-elles symboliques comme ce sera le cas
pour lui. Mais la question de ses mérites militaires dans la première
guerre mondiale relève aujourd’hui du débat et de la recherche
historique. Emmanuel Macron aurait dû, éviter de se prendre pour de
Gaulle et ne pas s’en mêler, mais nous savons maintenant d’expérience
qu’il ne comprend pas grand-chose.
Lorsque je parle du retour de la dimension familiale, je pense au
surgissement dans l’opinion publique à ce moment de la figure de mon
arrière-grand-père, Édouard de Castelnau qui méritait plus que tout
autre d’être élevé à la dignité de maréchal de France. Et ce
surgissement se fait comme le symbole contraire de celui de Pétain. Claude Askolovitch (!!) le résume très bien dans un tweet en forme de commentaire sur la polémique Pétain :« Pensée
au général de Castelnau, qui sauva en 14 l’armée de Lorraine, qui
perdit trois fils dans la Grande guerre, dont la République ne fît pas
un maréchal car il était trop catholique, et qui condamna Pétain en 1940
et encouragea la Résistance. A propos de « grands soldats…».
Et l’aspect étonnant de cette forme d’intronisation comme contre
modèle de celui qu’il avait nommé à Verdun le 23 février 1916, c’est
qu’elle est absolument justifiée. Les historiens s’accordent à
considérer à la fois sa stature, l’importance de son rôle, l’ampleur de
ses sacrifices, et le caractère injuste de la mesquinerie politicienne
dont il eut à souffrir. Mais il y a plus. On sait peu aujourd’hui,
compte tenu de l’importance de cette fin des hostilités sonnée sur la
terre de France en cette 11e heure du 11e jour du 11e
mois de cette année 1918, que le 13 novembre la IIe armée française
commandée par Édouard de Castelnau devait lancer en Lorraine l’offensive
pour permettre de rentrer sur la terre de l’ennemi. Et le mettre
complètement à genoux. Je suis de ceux qui pensent que l’armistice du 11
novembre était inévitable pour mettre fin au cauchemar et qu’il est
difficile d’en faire le reproche à ceux qui l’ont voulu. Mais l’Histoire
a montré ensuite, comme l’avait analysé Castelnau dès ce moment-là que
c’était une erreur stratégique majeure. Son territoire inviolé, son
armée rentrant à peu près en bon ordre, la légende du coup de poignard
dans le dos pouvait naître en Allemagne et amener aux conséquences
funestes que l’on sait. 20 ans plus tard cette erreur allait coûter les
60 millions de morts et les horreurs de la deuxième guerre mondiale.
Entre les deux guerres, chaque fois qu’il appelait à la méfiance et à la
vigilance vis-à-vis de l’Allemagne on le traita de Cassandre et de
belliciste. Un parlementaire lui lancera même à la face : « trois fils, mon général ce n’est pas assez ? ».
Lorsque surviendra l’effondrement de 40, âgé de 90 ans, il désavouera
l’armistice et l’instauration de l’État français, auquel il refusera
son soutien. Deux de ses petits-fils et deux de ses petits-neveux en âge
de porter les armes rejoindront, avec son approbation les armées de la
France combattante et participeront aux combats pour la Libération. Noël
de Mauroy sera tué dans les Vosges en décembre 1944, Jean de Castelnau
dans son char, Le 23 novembre en rentrant dans Strasbourg, Urbain de La
Croix le petit-fils orphelin qu’Édouard avait élevé sera tué le 9 avril
1945 au passage du Rhin. Gérald de Castelnau, mon père, le dernier des
quatre sera grièvement blessé. Eh oui, il faut croire que le destin
avait décidé que pour le service de ce pays, trois fils ce n’était pas
assez. Pendant ce temps, Philippe Pétain poursuivait jusqu’au bout,
jusque tout en bas, le chemin de ses trahisons.
Alors, Édouard de Castelnau, l’anti-Pétain, le contre-exemple ? C’est
l’évidence, et Claude Askolovitch l’a bien senti. Voyez-vous, Monsieur
le président de la république, une fois de plus vous avez voulu faire le
malin, en étalant maladroitement votre absence de sens politique et
votre ignorance historique. Mais la référence à ce « grand soldat » là,
dont vous n’aviez probablement pas la moindre connaissance, n’apparaît
pas seulement à cause de vos errances mémorielles, mais aussi à cause de
ce que vous voulez faire à la France. Ce rappel intervient alors même
que vous annoncez votre projet d’armée européenne avec l’Allemagne avec
cette justification sidérante « pour faire face à la Russie qui est à nos frontières ».
Pardon ? On rappellera pour mesurer l’inanité de cette formule que
Paris et Moscou sont séparés par 2800 km et pas moins de quatre grands
pays. Et pendant que vous vous moquez ainsi du monde, on apprend
l’existence de discussions pour une mise en commun de la dissuasion
nucléaire française et du partage du siège de la France au conseil de
sécurité de l’ONU. Êtes-vous inconscient au point de faire ainsi de la
France une cible privilégiée de la Russie, qui n’a rien demandé et qui
ne nous menace en rien ? Pour faire plaisir à l’Allemagne avec laquelle
nous avons des intérêts à ce point divergents. Vous entendez donc
pousser encore un peu plus loin la soumission à l’Union Européenne sous
direction allemande ? Mettre en cause dans ces proportions
l’indépendance de la France ? Philippe Pétain trahissait sa patrie en
promulguant ses ordonnances antijuives avant même que les Allemands
l’ait demandé. Et il faisait tout pour mettre les ressources de son pays
au service de l’Allemagne nazie dans la guerre immonde qu’elle menait.
Mais il ne faut pas l’oublier, il avait un projet politique, celui d’une
France abaissée dans une Europe dominée par l’Allemagne. Ce projet là,
serait-ce donc aussi le vôtre ?
Mais ce sera non, Monsieur Macron ! Comment voulez-vous que nous
l’acceptions ? Nous le refuserons d’abord parce que c’est l’intérêt de
notre pays alors que vous même, êtes en train de l’abîmer et de lui
faire prendre des risques inconsidérés. Mais nous le refuserons aussi
parce que nous avons de la mémoire et en particulier celle des
sacrifices de ceux de 14/18 et de 39/45, et de la raison de ceux-ci.
Et que cette mémoire aussi, nous oblige.
php
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