le 22/11/2018
ZOOM DE L'OVE. L'Observatoire du Véhicule d'Entreprise revient sur les initiatives des constructeurs en matière d'électrification et sur les conséquences sociales et environnementales que ce virage industriel soulève.
Le futur est résolument électrique pour les constructeurs automobiles. A coups de milliards d’euros – VW vient d’annoncer un méga plan d’investissements de 44 milliards sur cinq ans –, ils comptent bien imposer un nouveau modèle de déplacement automobile, au nom de la défense de la planète, de la lutte contre le réchauffement climatique et de la santé publique.
Après avoir longtemps tardé à opérer ce virage, les marques allemandes mènent la danse et affichent des ambitions fortes : VW, encore lui, affirme avoir sécurisé son approvisionnement en matières premières pour assembler pas moins de 50 millions de voitures électriques. Même les marques les plus haut de gamme, qu’il s’agisse de BMW, d’Audi ou de Porsche, traditionnellement connues et adoptées pour la puissance de leurs moteurs à combustion, basculent vers l’électrique et l’hybride.
Cet engouement, aussi soudain que radical, en faveur du véhicule propre ne va d’ailleurs pas sans soulever l’inquiétude des syndicats outre-Rhin, préoccupés par l’avenir de l’emploi dans des usines qui n’auront demain plus besoin d’autant de main-d’œuvre sur les lignes de production pour sortir les modèles (436 000 emplois industriels sont directement liés à la fabrication de véhicules thermiques). Les analystes d’ ING rappellent ainsi dans une étude récente qu’une voiture électrique compte 200 composants seulement à assembler, là où une voiture thermique en affiche 1 400.
Si les avantages des voitures électriques ne sont plus à démontrer (plaisir de conduite, absence de bruit et de gaz d’échappement), tant outre-Rhin que dans le reste du monde, des questions restent clairement posées sur leur impact réel sur l’environnement, lorsque l’on prend en compte les phases de fabrication et d’utilisation du véhicule (la fameuse analyse dite du puits à la roue).
Une étude réalisée pour le compte de l’ONG Transport & Environment démontre que 62 % des émissions de CO2 ont lieu pendant la production de l’électricité stockée dans les batteries (contre 38 % pendant la fabrication du véhicule lui-même). Tout dépend donc du mix-énergétique dont est issue l’électricité qu’utilise le véhicule.
Comment qualifier de "vertueuse" une voiture électrique, dont la batterie serait rechargée avec de l’électricité produite par des centrales à charbon ? Dans son dernier rapport sur l’évolution de la demande d’électricité à horizon de 2040, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) tire d’ailleurs le signal d’alarme. L’organisation prévient en effet que le développement massif de flottes électriques aurait un effet "non négligeable" sur les émissions de CO2 "sans des efforts plus importants pour augmenter la part des sources d’électricité faiblement carbonées".
Avec près de 40 % de sa production électrique toujours issue du charbon et du lignite, et malgré des efforts décuplés en faveur des énergies renouvelables depuis la catastrophe de Fukushima, l’Allemagne est assez logiquement dans l’œil du viseur. Même constat pour des pays comme la Pologne (80 % de l’électricité vient du charbon) ou la Chine, par ailleurs premier marché de la voiture électrique dans le monde, où la production électrique provient à 73 % des usines à charbon.
Verdir le parc automobile mondial est bel et bien un impératif. Mais avant de mettre au rebut telle motorisation, même si des milliards d’euros ont été dépensés pendant des années en R&D pour en améliorer les performances, et de porter au pinacle telle autre, mieux vaut avoir une vision claire et objective de son bilan environnemental complet, et du plan de développement des énergies à l’échelle mondiale. Sous peine, demain, de cruelles désillusions. Un véhicule propre, sans une énergie propre, c’est faire la moitié du chemin.
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