Les antinucléaires, une catastrophe française
André Pellen
15/11/2018
Aujourd’hui, tout est bon à une certaine presse pour jeter les dernières forces de ses sectateurs antinucléaires dans l’accablement d’une industrie nationale tenant encore les rares îlots de confort et de pouvoir d’achat qui restent aux Français et retardant – pour combien de temps ? – le pronostic vital de la colonne vertébrale industrielle d’une économie en grand désarroi.
De fait, l’imminence de la publication de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’est sans doute pas pour rien dans la prétention du dernier en date de ces missionnaires – dont la curie de l’ordre moral siège désormais en Bavière – de peser sur le contenu dudit programme, voire d’en intimider les auteurs au moyen d’une énième mise en garde contre l’imminence du terrible syndrome. Avec son Nucléaire : une catastrophe française, le journaliste Erwan Benezet n’y va pas par quatre chemins : « Citoyens, vos gouvernants jouent avec un feu dont les braises incandescentes ne pourront plus longtemps être dissimulées derrière les hauts murs des bâtiments réacteurs, ni mise sous le boisseau par l’omerta du peuple EDF : levez-vous en masse pour éteindre ce feu ! »
Le nucléaire un danger, vraiment ?
Devant une telle urgence, il convient de commencer par examiner de près ce thème de la dangerosité électronucléaire suscitant tant d’émoi chez un lanceur d’alerte dont il n’échappera pas au lecteur qu’il l’entraîne dans l’amalgame entre nucléaires civil et militaire.
La dernière analyse européenne, largement consultable, mettant à jour le bilan de l’étude externe « Subsidies and costs of EU energy 2014 », lancée dans les années 1990, sur l’impact sanitaire et financier de la production et de la consommation d’énergie(s) affiche les résultats suivants :
Sur 442 accidents survenus dans l’ensemble des pays de l’OCDE, de 1970 à 2008, faisant au total 8882 morts, le nucléaire n’en compte aucun, quand le charbon cher à nos amis allemands et indispensable à la stabilité de leur système électrique en compte 2259, soit 0,157 mort par Gigawatt electrical (GWe) produit et par an, quand le gaz naturel et l’hydraulique, entre autres exemples, comptent respectivement 1258 et 14 morts.
Sur 2 925 accidents hors OCDE, faisant au total 92 672 morts, le nucléaire compte les 31 de Tchernobyl (voir, à ce sujet, les rapports de l’ UNSCEAR et les projections sanitaires de l’OMS établies sur plusieurs décennies), l’hydraulique 30 069, soit 14,896 morts par GWe produit et par an (!), le pétrole 19 516 (0,896 par GWe produit et par an)… et le charbon 38 672 (0,597 par GWe produit et par an)…
Tout ceci est confirmé par le rapport AEN n°6862 de l’OCDE de 2010, intitulé « Évaluation de risques d’accidents nucléaires comparés à ceux d’autres filières énergétiques » et par le rapport Paul Scherrer Institut de mai 2005 intitulé « Les accidents graves dans le secteur de l’Énergie ».
Pour conclure sur ce thème, à ce jour, Fukushima n’a fait qu’un seul mort indirectement relié à l’accident, ce que personne ne saurait contester, recensements officiels à l’appui.
Le braquage d’EDF
Afin de susciter par l’exemple un effet d’entraînement chez nos compatriotes, Erwan Benezet ne craint pas de clamer haut et fort que « nombreux » sont déjà les pays en voie de dénucléarisation énergétique et, pour certains d’entre eux, fermant définitivement leurs centrales, taisant sans vergogne que 72 réacteurs sont en construction et 160 autres en projet, à travers le monde, que les Japonais redémarrent peu à peu les leurs, que des pays comme l’Inde, la Chine, la Russie et même les États-Unis ont dans leurs cartons d’ambitieux programmes de développement nucléaire de long terme, notamment à l’export, que l’ EPR de Taishan, réputé ne pas marcher en France, vient d’atteindre 100 % de sa puissance…
Mais un thème semble tout particulièrement tenir à cœur à Erwan Benezet : celui de l’impérialisme d’EDF tordant le bras de nos gouvernements successifs, les plaçant avec constance devant le fait accompli et/ou leur dictant depuis toujours une politique électro-énergétique invariablement pro nucléaire. On croit rêver !
Passons sur le sabordage totalement injustifié de Fessenheim, infâme rançon électorale payée à EELV, et sur l’illusoire programmation de la réduction à 50 % de la part de notre production électro-nucléaire. Qui ne voit pas que, depuis au moins deux décennies, EDF n’est plus qu’un instrument privilégié de la mise en œuvre de la politique sociale du gouvernement, la voie de recouvrement de l’une de ses principales ressources fiscales et le gisement de dividendes implacablement exigés de l’entreprise, quelle que soit l’ampleur du déséquilibre de ses comptes de résultats ?
C’est par l’imposition de tarifs réglementés du kWh que la puissance publique assigne à EDF, entreprise industrielle, la mission d’appliquer sa politique sociale. Or, ce n’est un secret pour personne, de tels tarifs ne couvrent, et de loin, ni les coûts de production de l’entreprise ni ses coûts de maintenance des installations ni ses légitimes besoins de provisionnement des investissements d’avenir dans d’indispensables outils de production.
Pour couronner le tout, en 2000, notre opérateur historique s’est vu précipité dans un contexte pseudo-marchand que l’Union européenne a délibérément truffé de règlements léonins servant les intérêts de marchands d’électrons aérologique et solaires, accros à la subvention. Si bien que, entre 2004 et 2015, les Européens ont déjà dépensé 860 milliards d’euros dans les « renouvelables », selon l’ONG Global electrificationThis triggers the tooltip ; à eux seuls, les Allemands y ayant contribué pour plus de 200 milliards d’euros, signant, si besoin était, l’échec patent d’une Energiewende, transition énergétique planifiée par l’Allemagne, qui empeste l’Europe de ses fumées charbonnières, affiche des tarifs de l’électricité deux fois supérieurs à ceux de la France… et sert d’exemple à Erwan Benezet !
Dans ce domaine, notre chère France n’est pas en reste. Outre ses quelque 3 à 5 milliards d’euros de subventions directes et indirectes, allouées chaque année à l’éolien et au photovoltaïque – un EPR tous les deux à trois ans ! – le point d’orgue de sa réglementation est certainement l’inénarrable Accès régulé à l’Énergie nucléaire historique (ARENH), que même une république bananière n’aurait pas imaginé, et dont on découvre aujourd’hui la triste réalité. Selon l’ONG, Global électrification, « les deux tiers de l’électricité fournie au premier semestre 2018 par les concurrents d’EDF proviennent du nucléaire. La concurrence pour l’électricité en France est factice. Elle n’existe pas au niveau de la production. Les fournisseurs alternatifs s’approvisionnent d’abord en nucléaire EDF, puis en renouvelables aidés et complètent, quand c’est possible, sur un marché de gros déboussolé. EDF, amenée à subventionner, par le biais de l’ ARENH, ses concurrents dont Total, Solvay ou des électriciens étrangers, est affaiblie et son avenir menacé ; ceci sans gain global pour les consommateurs. »2
On n’en finirait pas d’énumérer les avanies que, ces dernières années, l’État français inflige à l’opérateur historique, comme sa non couverture, à hauteur de 4 milliards d’euros, de l’avance CSPE3 faite par EDF. Inutile de s’y attarder, car la question cruciale se posant aujourd’hui avec prégnance au pays est celle de savoir pendant combien de temps encore les personnels d’EDF et ceux des industriels français qui leur sont associés resteront imperturbables devant la stratégie minant leurs entreprises, méthodiquement, quotidiennement et depuis des années… Qui peut encore croire qu’une majorité de ces gens est disposée à faire cause commune avec les fossoyeurs d’un complexe industriel aussi essentiel à la France ?
Le jour proche où cette vaste communauté professionnelle commencera à sentir le vent du boulet, ses réactions intempestives, voire violentes susciteront bien des vocations chez des gilets jaunes que l’on retrouvera en bien plus grand nombre chez les « doudounes matelassées », lors de rigoureuses soirées d’hiver…
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