Eolien, aluminium : les entreprises européennes, destination la Chine?

L' Energeek




Entrant dans la composition des éoliennes, l’aluminium pèse sur leur bilan carbone. Si l’entreprise Rusal assure produire un aluminium « vert », les sanctions américaines qui pèsent sur elle pourraient contraindre les entreprises européennes à se tourner vers des fournisseurs chinois, bien moins respectueux de l’environnement.

Les éoliennes, une énergie 100% verte ? Pas vraiment. On savait que les pales géantes de ces appareils sont responsables de nombreuses nuisances : bruit, impact sur les paysages, menace sur les oiseaux et chauves-souris, etc. ; on sait moins, en revanche, que leur construction recourt – de la même manière que les piles des voitures électriques utilisent du lithium – à d’importantes quantités d’énergies non « vertes ».

« De fait, reconnaît Stéphane Chatelin, directeur de l’association Négawatt, ”l’éolien n’est et ne sera jamais une solution parfaitement propre. Comme tout moyen de production d’énergie, il y a un impact.” Si, pour fonctionner, une éolienne n’émet pas de gaz à effet de serre, elle utilise des matières premières et de l’énergie dans sa phase de construction et de mise en place physique, ce que les chercheurs appellent ”l’énergie grise” », explique le spécialiste au site Reporterre. 


L’aluminium russe et « vert » bientôt interdit aux entreprises européennes ?
Acier, résines et fibres de verre issus du sable, silicium, « terres rares » ou encore pétrole sont, en effet, quelques uns des composants entrant dans la fabrication des éoliennes. Mais aussi 3 tonnes d’aluminium qui, au même titre que ces autres matières premières, doit lui-même être transformé de la manière la plus « propre » possible, afin de maximiser le bilan énergétique des éoliennes tout au long de leur cycle de vie.

Et c’est là où le bât blesse. Entrant dans la composition des pales comme du mat des éoliennes, l’aluminium est un métal dont la production ne satisfait pas toujours aux exigences en matière de bilan carbone. Un problème potentiellement décuplé par de récentes innovations, les câbles électriques de certaines nacelles de nouvelle génération, en cuivre, étant progressivement remplacés par leurs équivalents en aluminium, tels que ceux produits par la société Nexans.


Comment, dès lors, alléger le bilan carbone des parcs éoliens ? Pour les fabricants d’aérogénérateurs, l’autre nom des éoliennes, la solution pourrait être de se tourner vers des producteurs « d’aluminium vert ». En collaboration avec Apple, le métallurgiste Alcoa et le géant minier Rio Tinto seront bientôt de ceux-là, puisqu’ils ont investi 558 millions de dollars pour la construction d’une usine de production d’aluminium ne rejetant aucune émission de CO2. Une prouesse rendue possible par le remplacement, dans le processus de fusion, de l’électrode des fours en carbone, à l’origine des rejets de CO2, par de la céramique. L’ouverture ce cette usine d’un genre nouveau est prévue en 2024.

l’entreprise Rusal, 90% des besoins énergétiques du mastodonte russe provenant de centrales hydroélectriques localisées en Sibérie. De plus, Rusal a pris, lors de la COP 21 organisée à Paris, des engagements forts afin de réduire son empreinte carbone, le groupe promettant que l’ensemble de l’énergie qu’il utilise proviendra d’une source décarbonée d’ici à 2020, et assurant qu’il réduira les émissions de gaz à effet de serre de ses sites de production d’alumine (-10%) et d’aluminium (-15%) entre 2014 et 2025.

Problème : principal fournisseur de l’industrie européenne, Rusal figure sur la liste des entités russes sanctionnées par l’administration américaine. Les entreprises européennes continuant à traiter avec la société russe après le 7 janvier 2019, date d’entrée en vigueur de ces sanctions, s’exposent elles aussi à des mesures coercitives de la part des Etats-Unis. En d’autres termes, les sanctions américaines menacent la survie de ces entreprises et des dizaines de milliers d’emplois directs et indirects sur le continent.

Se tourner vers l’aluminium chinois menacerait la transition énergétique

Les fabricants d’éoliennes français et européens pourraient alors être tentés de se retourner vers les producteurs chinois, comme le numéro 1 mondial, Hongqiao, l’Empire du Milieu assurant d’ores et déjà 55% de la production mondiale d’aluminium. Des entreprises qui recourent massivement au charbon et affichent des émissions de CO2 trois à quatre fois supérieures au groupe russe, contribuant à 68% des émissions de gaz à effet de serre imputables à l’aluminium.

Alors que 90% de l’électricité utilisée dans la production chinoise d’aluminium provient du charbon, « il n’y a aucune logique pour la Chine de continuer à développer sa production d’aluminium », estime Philippe Chalmin, professeur à l’université Paris-Dauphine, dans les colonnes de L’Usine Nouvelle. « Chaque tonne en excédent se paie, d’un point de vue environnemental, au prix fort », renchérit son homologue de l’université de Bordeaux, Yves Jérougel.

« Le coût de revient chinois de l’aluminium est fonction d’un élément qui, pour l’instant, n’a pas de prix : le carbone. Cela relève cependant de l’utopie », conclut Philippe Chalmin. Une utopie qui, couplée aux sanctions américaines contre Rusal, risque tout simplement de mettre en péril les transitions énergétiques française et européenne.

Alors que la COP24 se tient du 3 au 14 décembre à Katowice, ville polonaise parmi les plus polluées au monde à cause de son recours massif au charbon (les environs de la ville abritent plusieurs mines de charbon), la trentaine de chefs d’État attendus devraient débattre de la façon dont se détourner, justement, de cet or noir responsable d’une pollution atmosphérique alarmante. En commençant, déjà, par refuser d’acheter de l’aluminium chinois ?


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