le 10 novembre 2018
Le Boischaut méridional est un petit territoire du sud de l’Indre, aux confins du Berry et de la Marche, marqué par une très forte identité bocagère. C’est l’un des cinq plus beaux bocages de France. C’est aussi le pays qu’aimait George Sand, mais également Monet, les Impressionnistes, et plus récemment Axel Kahn, qui en parlait en ces termes : « C’est même pour moi un des plus beaux lieux de France, et par conséquent du monde. » Alors, faisons en sorte qu’il le reste…
La première source d’émerveillement qui
touche le visiteur de passage, ou toute personne qui s’installe ici,
c’est l’abondance des paysages bucoliques. Autre source d’étonnement, le
ciel nocturne. Vous sortez dans votre jardin et en levant les yeux,
vous contemplez des milliers d’étoiles. L’absence de pollution lumineuse
permet cette vue, qui ne résisterait pas aux feux de balisage de
l’éolien industriel. Il suffit de transférer mentalement ici ce que l’on
peut déjà voir dans certaines régions de France ou d’Allemagne, des
séries de flashes sur l’horizon, à différentes hauteurs selon la
distance et la taille des aérogénérateurs –dont certains en projets, à
Cluis et Maillet, dépassent déjà les 200 m en bouts de pales. C’est
aussi l’âme d’un paysage qui nous fait vivre.
Mais certains industriels n’ont pas
d’autre choix que de détruire cette âme, le produit qu’ils vendent étant
trop souvent incompatible avec sa préservation. C’est donc une lutte
sans merci à laquelle nous assistons, et où un paysage, un cadre de vie,
une identité locale, une appropriation sociale d’un lieu, peuvent
disparaître. Lorsque nous combattons un projet éolien ici, c’est parce
que nous savons qu’il y en a dix autres derrière, parce que chaque
nouveau projet est pire que le précédent en hauteur, et qu’ils se
cumuleront tous en un mitage final désastreux. L’intérêt général n’est
pourtant pas la propriété exclusive des promoteurs éoliens.
Un pays ne saurait davantage se résumer
à trois pales fournissant un peu d’électricité intermittente, sans même
un enjeu pour le climat dans le cas de la France. L’intermittence, on
le sait maintenant, ne permet pas de diminuer la somme globale des
moyens pilotables installés d’un mix électrique, en raison de sa
capacité garantie trop proche de zéro. Les moyens intermittents sont
donc voués à n’être que des surcapacités installées, un éternel doublon
du mix électrique pilotable. En plus de ce doublon, certains envisagent
de changer l’équilibre des moyens pilotables en supprimant du pilotable
décarboné. Nous aurions donc recours au gaz naturel.
Ce manque de pertinence et de résultat
CO2, ces efforts financiers disproportionnés dirigés vers un enjeu
climat anecdotique pour la France, sont de plus en plus mal acceptés par
les populations impactées. On obtient peu en bénéfices CO2, voire on va
dégrader ceux de notre mix électrique et, en échange, on prend sans
mesure, sans vergogne et partout, à ces mêmes populations : leurs
paysages seront dégradés, tout comme leur qualité de vie, le jour et la
nuit. Sans même parler des projets de vie, qui s’écroulent partout, dans
des cadres devenus bien trop mouvants au regard des nuisances. Le
déséquilibre est immense, l’écoute inexistante, la législation est
dictée par les entreprises de l’éolien, c’est un mélange délétère. On ne
pourra continuer indéfiniment ainsi.
Aujourd’hui, le territoire défendu par
notre association est confronté à plusieurs projets éoliens industriels,
dont certains sont en phase de recours, à Lourdoueix Saint Michel, à
Montchevrier, et pour le plus ancien d’entre eux, à Orsennes. Nous les
aborderons ici successivement.
Lourdoueix-Saint-Michel, projet éolien « Les Bouiges », VALECO
Le projet éolien « Les Bouiges », porté
par VALECO, est situé sur un point haut de l’Indre. L’autorité
environnementale souligne que les effets d’écrasement n’ont pas été
suffisamment évalués. Le cercle de visibilité, avec plus de 40 km de
diamètre, est très étendu.
Église fortifiée de Lourdoueix Saint Michel, XVe siècle
Le projet sera visible depuis et en
même temps que l’église Saint-Michel, construite au XVe siècle et
partiellement classée au titre des monuments historiques le 29 janvier
1912, située sur la commune de Lourdoueix-Saint-Michel. Il
y aura également une co-visibilité avec le site inscrit de la vallée des
Deux Creuse, avec la Boucle du Pin, avec la boucle de la Creuse et ses
abords, le village d’ Eguzon et les rives de Chambon, situées sur les
communes de Cuzion, Eguzon Chantôme et Saint-Plantaire.
Le point de vue remarquable entre
Fresselines et la Charpagne, justement nommé « Beauregard », mettant en
valeur le château du Puy Guillon, offre un panorama exceptionnel que le
projet éolien dénaturera, alors même que la fréquentation touristique
liée à l’héritage de Claude Monet est un élément incontournable de la
région. Le projet éolien nuira aux investissements mettant en valeur cet
héritage dans un but touristique, comme la rénovation de l’hôtel
Lépinat à Crozant, qui accueillait les peintres venus de Paris.
Le projet « Les bouiges », joint
aux autres projets éoliens alentour, qui se multiplient depuis,
entraînera également un effet de mitage du bocage, particulièrement
dense et beau dans cette zone. D’autant que les machines concernées sont
toujours plus hautes, jusqu’à 210 mètres en bout de pale et avec des
feux de balisage sur deux niveaux.
Également situé sur un point haut
départemental, le parc éolien de Montchevrier pourra être visible de
presque partout dans un cercle de 32 km de diamètre. La
vallée des peintres et le pays de George Sand seront impactés. La liste
des risques d’ intervisibilités et des co-visibilités énumérées par
l’étude d’impact est impressionnante. Lorsqu’on connaît la tendance de
ces études payées par les promoteurs à minimiser l’impact des éoliennes
sur les paysages, le pire est à craindre. La Basilique de
Neuvy-Saint-Sépulchre, inscrite au patrimoine mondial de l’ UNESCO au
titre du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, n’en sortira pas
indemne.
Le promoteur avance que les éoliennes
ne seront pas visibles aux abords immédiats de ce monument historique
classé et dans la commune. Pourtant, celui-ci est bien visible dans le
paysage environnant, et le son de ses cloches perdra de sa signification
au milieu d’objets industriels captant toute l’attention des pèlerins.
Le cercle de visibilité de l’étude d’impact (en vert) le suggère : les
éoliennes pourront être visibles des environs de la Basilique
Saint-Étienne.
Le château féodal de Cluis, les
châteaux du Châtelier et du Breuil-Yvain, de la Prune-aux-pots, les
restes du château de Crozant, seront également impactés. Le dolmen de la
pierre à la Marthe, classé au titre des monuments historiques, le sera
également. L’ ABF estime d’ailleurs que l’appropriation sociale du lieu est mise en péril par le projet.
La commune de Montchevrier est un
balcon, on y voit toute la région à des dizaines de kilomètres à la
ronde ; le projet porté par EDF Renouvelables serait visible de la même
manière. La Commission d’Enquête Publique de Montchevrier avait observé
que, depuis la salle des fêtes du village, on pouvait distinguer les
feux de balisage du parc éolien de Saint-Genou… distants de plus de
cinquante kilomètres. D’autres parcs éoliens déjà en place, situés à
plus de quarante kilomètres, ne laissent planer aucun doute sur le
mitage de ce territoire. Il aura lieu et il sera agressif, si les
différents projets sont réalisés.
Orsennes, projet éolien « Ferme éolienne des Besses », ABO WIND
C’est le premier projet en date intervenu sur le territoire protégé par l’association « Vivre en Boischaut ». Il
impactera un ensemble paysager remarquable et densément patrimonial,
qui totalisait 450 000 visiteurs en 2010 comme le signalait l’avis de
l’ ABF en détaillant la liste des atteintes au patrimoine occasionnées
par le projet de la société ABO WIND. Le projet éolien sera en co-visibilité du Châtelier, monument classé situé à 3,3 km du futur parc. Sera
également impacté, à 4,4 km, le château inscrit au titre des monuments
historiques du Breuil-Yvain. Il existera également une co-visibilité
depuis l’allée menant au châtelet d’entrée et le projet éolien, à
l’arrière-plan. Le haut des mâts, les nacelles et les pales, seront nettement visibles.
Depuis les abords immédiats de l’église
inscrite de Saint-Pierre de Dampierre, il y aura une co-visibilité
avec le projet éolien situé à 4,9 km. L’église
Saint-Martin d’ Orsennes, également inscrite, située à 5,1 km, sera en
co-visibilité avec la Zone d’implantation potentielle (ZIP). L’église
Saint-Paxent de Cluis, inscrite au titre des monuments historiques,
sera aussi concernée par la ZIP depuis au moins deux points de vue
importants : depuis le viaduc de
l’ Auzon, sur le parcours de grande randonnée 654 et le chemin de
Saint-Jacques de Compostelle allant de Vézelay à Ronceveaux. Un ample
panorama lie ainsi le clocher de Saint-Paxent au site d’implantation des
éoliennes.
L’effet de surplomb des éoliennes sur le val créera un effet d’écrasement intense et perturbant. Depuis
le hameau de La Folie, situé à 6,4 km du projet, un ample panorama
liera encore le clocher de Saint-Paxent au projet éolien avec la même
discordance d’échelles. Le village
de Gargilesse, labellisé « plus beau village de France » et comprenant 3
monuments historiques classés, se situe à 6,9 km du projet. S’il est en
lui-même préservé, son approche, notamment du fait des routes
panoramiques qui y mènent, serait associée aux éoliennes. L’église
Saint-André de Chavin, monument historique inscrit, se positionnerait
dans l’axe d’implantation des mâts. L’effet de chevauchement avec les pales serait d’un effet particulièrement agressif.
Malgré un bocage dense constitué de
petites parcelles, que les promoteurs éoliens évoquent souvent comme un
« écran » protecteur efficace, la réalité sera plutôt celle-ci : une
succession remarquable de panoramas, avec les plus belles vues du Boischaut méridional, sera abîmée. Notons
que, pour le projet éolien de la « Ferme des Besses », l’étude d’impact
a été conduite par le bureau d’étude Biotope, qui réalise une grande
partie de son chiffre d’affaire avec l’éolien. Ça va mieux en le disant.
La première mouture du Schéma régional
éolien (SRE), planifiant le développement de l’énergie éolienne, avait
exclu sa présence dans les zones à enjeux majeurs régionaux comme dans
le pays de George Sand, d’une valeur culturelle internationale. La
filière éolienne s’est alors plainte de la Région Centre, où ses
objectifs ambitieux se heurtaient à des zones trop petites ou trop
morcelées. Mais, après concertation - ou plus exactement lobbying -, le
pays de George Sand pourra finalement accueillir des projets éoliens : « Par
la suite, la concertation et le souci de cohérence aux « frontières »
régionales et départementales ont conduit à revoir, au cas par cas, le
zonage de certains secteurs a priori exclus (sud de l’Indre et du Cher
notamment) ». Si « La structure géomorphologique du Boischaut
méridional induit une forte sensibilité vis-à-vis de l’éolien, le souci
de la cohérence avec les régions limitrophes au Sud (Poitou-Charentes,
Limousin), où des ZDE ont été créées, conduit à y envisager des projets
éoliens, à condition qu’ils soient conçus avec une très grande attention
pour l’environnement » (SRCAE du Centre, juin 2012). Avec une telle prescription, on pourra évidemment installer des éoliennes n’importe où…
Ces trois projets éoliens, et d’autres
encore, s’inscrivent dans un triangle d’or entre Saint-Gaultier,
Montlevicq, et Crozant/Fresselines. Celui-ci présente une unité
paysagère marquée et bénéficie d’un patrimoine culturel et historique
important. Il doit par conséquent être protégé, au nom de l’intérêt
général.
RF, @Fragen36
Muriel Toulant-Carrouget, @ToulanM
Pierre Dumont, Président de Vivre en Boischaut, association adhérente de Sites & Monuments
Muriel Toulant-Carrouget, @ToulanM
Pierre Dumont, Président de Vivre en Boischaut, association adhérente de Sites & Monuments
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