Ce
qui pourrait vraiment rendre la transition écologique “démocratique et
acceptable” (et tirer la France d’une ornière qui est loin de n’être
qu’environnementale)
Atlantico : Dans une logique d'efficacité, ne serait-il pas plus pertinent de proposer au pays une réelle refonte économique, prenant à bras le corps la faiblesse de la croissance que connaît le pays depuis une décennie, tout en intégrant la transition écologique comme un élément d'un tel projet ? Quel en serait le contour global ?
Alexandre Delaigue : nous sommes effectivement ici dans un exercice d'affichage. Le discours politique actuel sur cette question est un pur discours marketing qui vise à faire entrer des mesures politiques dans un récit beaucoup plus qu'il ne correspond à une orientation du pays. Si nous voulions changer cette logique-là, et cela n'est probablement pas ce qu'il va se passer, il faudrait déjà faire le constat que la croissance de l'économie française ralentit depuis les années 90, qu'elle a subi un très gros choc en 2008 dont nous sommes à peine remis, et que nous sommes depuis une décennie dans une situation de croissance 0. Donc, de base, le ressentiment qui est exprimé ces dernières semaines, mais également la montée du populisme, touchent essentiellement à cette question de la croissance.
Dans ces conditions, on peut partir du principe qu'il faudrait entrer dans une perspective macroéconomique tout à fait différente de celle que nous avons aujourd'hui - parce que l'orientation macroéconomique actuelle a pour objectif de réduire l'endettement et les déficits publics.
La nouvelle perspective serait de pousser les économies européennes vers la surchauffe, en vue de soutenir l'activité, avec une Banque centrale très orientée vers la croissance – beaucoup plus que sur la lutte contre l'inflation - et des politiques budgétaires qui insisteraient beaucoup plus sur l'investissement que sur les équilibres de long terme entre dépenses et recettes. Par ce biais, il serait alors possible d'augmenter les investissements publics avec une politique budgétaire beaucoup plus active qu'elle ne l'est à présent, et de la centrer sur les investissements d'avenir. Et parmi les aspects qui pourraient être prioritaires d'une telle politique, on pourrait investir dans les secteurs de la transition écologique. De cette façon il serait possible de créer une adhésion autour d'un projet "démocratique et acceptable" qui viserait alors à augmenter les revenus pour tout le monde tout en tenant compte de ces questions. De façon très concrète, cela voudrait dire beaucoup d'investissements publics dans le domaine de la transition écologique avec à la fois des infrastructures différentes et des investissements dans la recherche et le développement qui viseraient à développer les technologiques que nous n'avons pas encore.
Dans quelle mesure la transition écologique pourrait s’avérer être un relais de croissance important pour le pays ? Quel serait le moyen le plus efficace de stimuler ce secteur au sein de l'économie française ?
Alexandre Delaigue : la transition écologique peut soutenir la croissance de deux manières. Premièrement, en soutenant la demande intérieure par le biais de l'investissement par un effet purement conjoncturel. Si nous augmentons les investissements, nous augmentons mécaniquement la demande, ce qui permet de soutenir l'économie sur le court terme. Puis, le deuxième aspect repose sur un aspect plutôt technologique. Il s'agirait d'avoir un État qui mène une politique industrielle d'innovation entre le secteur public et le secteur privé sur ces questions de transition écologique. Il faut savoir que la France a été capable de faire cela au cours de certaines périodes ou nous avons su développer des programmes technologiques. Certains ont été des succès et d'autres n'ont pas réussi mais c'est ce qui caractérise la politique d'innovation qui ne marche pas toujours. Le problème n'est pas de faire des choses en espérant que tout va réussir, c'est de savoir arrêter les frais lorsque quelque chose ne fonctionne pas bien. Dans ce domaine, nous avons su faire à une époque le programme nucléaire français. Il ne faut pas oublier que nous avons été capable de produire en 17 ans les centrales nucléaires qui aujourd'hui génèrent 80% de notre production électrique. C'est probablement l'esprit de ce type de projets qu'il faudrait retrouver pour la transition écologique. La France est un pays qui a toujours eu besoin d'une impulsion du secteur public pour déclencher le secteur privé. Il faudrait avoir un certain nombre de projets dans le domaine environnemental, notamment sur la production d'énergie, dans le secteur des transports avec l'automobile, en urbanisme (rénovation des logements etc…). Dans l'ensemble de ces secteurs, il serait nécessaire de soutenir une impulsion publique qui permettra au secteur privé de développer ce qui marche par la suite.Le problème que l'on a pour une telle politique industrielle, c'est que nous ne sommes pas prêts à faire les choix que cela engendre, c’est-à-dire d'accepter de faire des gagnants et des perdants.
Mais il faut savoir que l'adaptation environnementale n'implique pas forcément une réduction de l'activité économique. On constate que l'intensité en Co2 de la croissance du PIB a tendance à diminuer, que le coût des panneaux solaires a tendance à diminuer et qu'il y a probablement des possibilités de réussir cette transition. On peut également s'aider de techniques déjà existantes, en substituant le nucléaire au charbon par exemple. Mais cela implique de faire des choix.
A l'occasion d'un tweet écrit ce 25 novembre, Donald Trump a pu pointer du doigt le mouvement des gilets jaunes, tout en y associant la problématique de la stratégie économique européenne. Ne peut-on pas voire également un lien entre l'ensemble de ces problématiques ?
Alexandre Delaigue : l'Europe dans son ensemble a une stratégie qui consiste à attendre que la demande provienne de l'extérieur. Ce n'est pas le cas de tous les pays européens, mais cela est le cas des pays qui déterminent la politique européenne, en particulier l'Allemagne et d'autres pays nordiques. Cela a porté chance à l'Allemagne parce qu'elle s'est insérée dans les chaînes de valeur internationales d'une manière favorable, notamment avec son secteur automobile. Mais ce secteur pose aujourd'hui question dans le contexte de la transition écologique, ce qui signifie que cette stratégie de faire reposer son économie sur la demande extérieure n'est probablement pas soutenable, aussi parce que certains pays, comme les Etats-Unis le critiquent. Une politique de plus forte demande intérieure, avec des investissements dans la transition écologique, pourrait permettre à l'Europe de rééquilibrer son modèle de croissance et ainsi de satisfaire à l'ensemble de ces enjeux.
N’est-ce pas la croissance abordée sous l’angle de l’investissement écologique c’est-à-dire dynamiser la croissance en la rendant plus propre qui pourrait aider à des changements démocratiques ?
Alexandre Delaigue : nous sommes effectivement ici dans un exercice d'affichage. Le discours politique actuel sur cette question est un pur discours marketing qui vise à faire entrer des mesures politiques dans un récit beaucoup plus qu'il ne correspond à une orientation du pays. Si nous voulions changer cette logique-là, et cela n'est probablement pas ce qu'il va se passer, il faudrait déjà faire le constat que la croissance de l'économie française ralentit depuis les années 90, qu'elle a subi un très gros choc en 2008 dont nous sommes à peine remis, et que nous sommes depuis une décennie dans une situation de croissance 0. Donc, de base, le ressentiment qui est exprimé ces dernières semaines, mais également la montée du populisme, touchent essentiellement à cette question de la croissance.
Dans ces conditions, on peut partir du principe qu'il faudrait entrer dans une perspective macroéconomique tout à fait différente de celle que nous avons aujourd'hui - parce que l'orientation macroéconomique actuelle a pour objectif de réduire l'endettement et les déficits publics.
La nouvelle perspective serait de pousser les économies européennes vers la surchauffe, en vue de soutenir l'activité, avec une Banque centrale très orientée vers la croissance – beaucoup plus que sur la lutte contre l'inflation - et des politiques budgétaires qui insisteraient beaucoup plus sur l'investissement que sur les équilibres de long terme entre dépenses et recettes. Par ce biais, il serait alors possible d'augmenter les investissements publics avec une politique budgétaire beaucoup plus active qu'elle ne l'est à présent, et de la centrer sur les investissements d'avenir. Et parmi les aspects qui pourraient être prioritaires d'une telle politique, on pourrait investir dans les secteurs de la transition écologique. De cette façon il serait possible de créer une adhésion autour d'un projet "démocratique et acceptable" qui viserait alors à augmenter les revenus pour tout le monde tout en tenant compte de ces questions. De façon très concrète, cela voudrait dire beaucoup d'investissements publics dans le domaine de la transition écologique avec à la fois des infrastructures différentes et des investissements dans la recherche et le développement qui viseraient à développer les technologiques que nous n'avons pas encore.
Dans quelle mesure la transition écologique pourrait s’avérer être un relais de croissance important pour le pays ? Quel serait le moyen le plus efficace de stimuler ce secteur au sein de l'économie française ?
Alexandre Delaigue : la transition écologique peut soutenir la croissance de deux manières. Premièrement, en soutenant la demande intérieure par le biais de l'investissement par un effet purement conjoncturel. Si nous augmentons les investissements, nous augmentons mécaniquement la demande, ce qui permet de soutenir l'économie sur le court terme. Puis, le deuxième aspect repose sur un aspect plutôt technologique. Il s'agirait d'avoir un État qui mène une politique industrielle d'innovation entre le secteur public et le secteur privé sur ces questions de transition écologique. Il faut savoir que la France a été capable de faire cela au cours de certaines périodes ou nous avons su développer des programmes technologiques. Certains ont été des succès et d'autres n'ont pas réussi mais c'est ce qui caractérise la politique d'innovation qui ne marche pas toujours. Le problème n'est pas de faire des choses en espérant que tout va réussir, c'est de savoir arrêter les frais lorsque quelque chose ne fonctionne pas bien. Dans ce domaine, nous avons su faire à une époque le programme nucléaire français. Il ne faut pas oublier que nous avons été capable de produire en 17 ans les centrales nucléaires qui aujourd'hui génèrent 80% de notre production électrique. C'est probablement l'esprit de ce type de projets qu'il faudrait retrouver pour la transition écologique. La France est un pays qui a toujours eu besoin d'une impulsion du secteur public pour déclencher le secteur privé. Il faudrait avoir un certain nombre de projets dans le domaine environnemental, notamment sur la production d'énergie, dans le secteur des transports avec l'automobile, en urbanisme (rénovation des logements etc…). Dans l'ensemble de ces secteurs, il serait nécessaire de soutenir une impulsion publique qui permettra au secteur privé de développer ce qui marche par la suite.Le problème que l'on a pour une telle politique industrielle, c'est que nous ne sommes pas prêts à faire les choix que cela engendre, c’est-à-dire d'accepter de faire des gagnants et des perdants.
Mais il faut savoir que l'adaptation environnementale n'implique pas forcément une réduction de l'activité économique. On constate que l'intensité en Co2 de la croissance du PIB a tendance à diminuer, que le coût des panneaux solaires a tendance à diminuer et qu'il y a probablement des possibilités de réussir cette transition. On peut également s'aider de techniques déjà existantes, en substituant le nucléaire au charbon par exemple. Mais cela implique de faire des choix.
A l'occasion d'un tweet écrit ce 25 novembre, Donald Trump a pu pointer du doigt le mouvement des gilets jaunes, tout en y associant la problématique de la stratégie économique européenne. Ne peut-on pas voire également un lien entre l'ensemble de ces problématiques ?
Alexandre Delaigue : l'Europe dans son ensemble a une stratégie qui consiste à attendre que la demande provienne de l'extérieur. Ce n'est pas le cas de tous les pays européens, mais cela est le cas des pays qui déterminent la politique européenne, en particulier l'Allemagne et d'autres pays nordiques. Cela a porté chance à l'Allemagne parce qu'elle s'est insérée dans les chaînes de valeur internationales d'une manière favorable, notamment avec son secteur automobile. Mais ce secteur pose aujourd'hui question dans le contexte de la transition écologique, ce qui signifie que cette stratégie de faire reposer son économie sur la demande extérieure n'est probablement pas soutenable, aussi parce que certains pays, comme les Etats-Unis le critiquent. Une politique de plus forte demande intérieure, avec des investissements dans la transition écologique, pourrait permettre à l'Europe de rééquilibrer son modèle de croissance et ainsi de satisfaire à l'ensemble de ces enjeux.
N’est-ce pas la croissance abordée sous l’angle de l’investissement écologique c’est-à-dire dynamiser la croissance en la rendant plus propre qui pourrait aider à des changements démocratiques ?
Michel Ruimy : en faisant de la hausse des
carburants le signal-prix qui doit conduire les habitants du pays à
changer de véhicules et à changer de chaudière, sans réduire leurs
besoins de mobilité et leurs besoins de chauffage, Emmanuel Macron et le
gouvernement se font prisonniers d’une idéologie qui empêche d’agir sur
les causes structurelles d’une trop grande dépendance aux énergies
fossiles.
Mettre fin à l’étalement urbain et rapprocher les activités économiques des lieux de travail plutôt que les éloigner des zones déjà urbanisées, relocaliser les services publics et assurer la pérennité des commerces de proximité, développer les transports en commun et les mobilités douces sont autant d’axes prioritaires pour réduire les besoins de mobilité carbonée.
Dans un rapport récent, l’OCDE indique d’ailleurs que certaines aides publiques favorisent la destruction des habitats naturels et l’étalement urbain. C’est notamment le cas de la taxe d’aménagement, qui est due à l’occasion d’opérations de constructions immobilières, qui pourrait être modulée pour favoriser les activités peu consommatrices d’espace et éviter que des projets ne conduisent à renforcer l’étalement urbain et à des zones périurbaines sous-densifiées. N’est-il pas temps d’économiser les sols, de réutiliser ceux déjà artificialisés et proches de systèmes de transports existants plutôt que de soutenir la construction de nouvelles autoroutes urbaines ou périurbaines voire la fermeture de lignes et gares de proximité ?
Les services de transports de l’État de Californie ont reconnu récemment que l’élargissement d’autoroutes existantes, ou la construction de nouvelles autoroutes a induit un trafic supplémentaire qui ne peut, à terme, que conduire à la saturation des nouveaux axes : plus de routes implique plus de trafic. Poursuivre la construction de nouvelles autoroutes conduirait donc, inéluctablement, à encourager de nouveaux déplacements, notamment liés à l’étalement urbain, et donc à une consommation supplémentaire de carburants que le gouvernement prétend pourtant vouloir réduire.
De même, réduire les besoins de chauffage des ménages par un plan d’investissement massif dans la rénovation et l’isolation de l’existant devrait être un effort constant des pouvoirs publics. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Comment justifier également une politique de hausse des prix des carburants pour les ménages quand les entreprises sont soit exonérées de ces hausses, notamment dans l’aérien et le transport maritime, ou peu touchées par le très faible montant du prix du carbone sur le marchés des quotas européens ? Qui plus est, lorsque le produit de ces taxes ne sert pas, en majorité, à financer les politiques de transition écologique qui sont pourtant sous-financées ?
En défendant une politique fiscale inefficace et anti-redistributive, et en refusant d’accompagner la fiscalité écologique d’un plan de transition capable de réduire les contraintes de mobilité et de chauffage qui pèsent sur les ménages, Emmanuel Macron et le gouvernement sont en train de ruiner le consentement à l’impôt, notamment celui à la fiscalité écologique qui, bien pensé et réfléchi, pourrait être utile pour que les ménages les plus fortunés réduisent leur niveau de pollution. Alors que la crise écologique ne cesse de s’aggraver, ils prennent également le risque de rendre impopulaire la transition écologique. Un risque qu’il faudrait pourtant durablement et à tout prix écarter : ne serait-il pas temps de s’assurer que la politique écologique et climatique n’aggrave pas les inégalités mais, qu’au contraire, elle contribue à les réduire en nous permettant d’aller vers plus de justice fiscale et sociale ?
Jean-Pierre Riou : Pour booster la croissance, le secteur de l’énergie est fondamental, ainsi que nous venons de le voir.
Or la majeure partie de l’effort public sur la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) est consacré à la restructuration de notre outil industriel le plus efficace, celui de la production d’électricité qui est déjà un des moins carboné d’Europe grâce à 75% de nucléaire et un peu plus de 10% d’hydraulique et qui propose une électricité abondante et bon marché. La France est en effet le plus gros exportateur mondial d’électricité (chaque année de 1990 à 2008 et toujours sur le podium depuis).
Ce parc électrique confère à la France un avantage déterminant notamment sur l’Allemagne. Cet avantage va s’accroitre avec l’augmentation annoncée du coût du carbone.
Ce qui explique les conclusions du rapport franco-allemand AGORA IDDRI "L‘Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 », qui considère de façon explicite que la rentabilité du charbon allemand ne pourra être maintenue qu’en cas de réduction significative de notre parc nucléaire, pour la raison que « Le nucléaire a un coût marginal plus faible que le charbon, si bien que sa production peut se substituer à celle des centrales à charbon lorsque qu’il reste des capacités d’interconnexion disponibles. » Et confirme « Dans le cas d’une baisse de capacités nucléaires à 40 GW, le surplus producteur des capacités charbon et lignite résiduelles est augmenté de respectivement 18 et 23 €/kW par an par rapport au scénario haut nucléaire ».
Or, ce même rapport considère que l’augmentation de la part des énergies intermittentes dans le mix énergétique français affectera la rentabilité du parc nucléaire français si celui-ci ne réduit pas sa puissance de façon significative, considérant que cette rentabilité ne serait plus assurée avec un parc supérieur à 50 GW (63 GW aujourd’hui).
C’est pourquoi toute augmentation de la part d’intermittence en France aura des conséquences contre productives sur les émissions des parcs électriques aussi bien français qu’allemand en entrainant une réduction forcée de la part du nucléaire, sans permettre pour autant d’en remplacer le moindre MW installé, et en améliorant la compétitivité du charbon allemand.
Il convient de rappeler que la quasi-totalité des réacteurs américains ont déjà obtenu leur renouvellement de licence à 60 ans, 4 d’entre eux préparent leur renouvellement à 80 ans !
Ce qui n’a pas empêché 4 de leurs réacteurs d’avoir dû fermer définitivement pour cause de rentabilité insuffisante, en raison de la mise sur le même marché de MWh pilotables et de MWh intermittents qui ne sauraient pourtant rendre des services comparables.
L’investissement doit massivement porter sur la recherche.
Aussi bien avec des objectifs de court terme comme le nucléaire de 4ème génération ou le stockage, que de plus long terme comme la fusion nucléaire. Les investissements dans la flexibilité du réseau électrique permettront également une économie relative à la puissance de production « pilotable » installée pour passer les pics de consommation.
Malheureusement, les investissements ont massivement porté sur le développement des énergies intermittentes que sont éolien et photovoltaïque alors qu’on ne sait toujours pas stocker leur production pour un coût acceptable par la collectivité.
Or le soleil est couché lors des pointes hivernales de 19 heures, et les périodes de grand froid sont anticycloniques, c'est-à-dire sans vent.
Ce qui ne permet pas aux énergies intermittentes de réduire la puissance pilotable installée du moindre MW supplémentaire.
La Cour des Comptes a chiffré à 121 milliards d’euros les dépenses engagées pour les seuls contrats déjà conclus jusqu’à fin 2017 en soutien aux énergies renouvelables électriques (et injection de biométhane). Et stigmatise le déséquilibre de ce soutien élevé accordé à ces énergies.
Les chinois, qui investissent désormais massivement dans les éoliennes européennes ont conquis une part de marché considérable et ils écrasent littéralement le marché des panneaux photovoltaïques.
On ne peut que s’inquiéter du choix qui consiste à engager immédiatement de telles sommes pour essayer d’en tirer parti ensuite, lorsqu’on saura stocker, si on y arrive un jour.
On échafaude ainsi à grands frais sur des sables mouvants en ne sachant toujours pas quelle technologie permettrait d’injecter les fondations. Un jour.
Car cette fuite en avant fragilise le réseau européen pour lequel l’intermittence progresse plus vite que les investissements visant à le sécuriser. Des flux de boucle (ou loop flows) non planifiés envahissent notamment de façon croissante les réseaux de tous les voisins de l’Allemagne dont la production aléatoire des éoliennes du nord congestionne immédiatement ses propres lignes dès que le vent souffle, et rend impossible son acheminement vers le sud de son territoire autrement qu’en fragilisant les réseaux voisins.
Pour conclure, je reproche au discours écologique de s’appuyer sur la peur et sur des affirmations dénuées de toute base scientifique ainsi que de son manque de transparence sur la réalité des coûts et sur les effets attendus de réformes. Notamment celles qui concernent l’avenir de notre parc électrique, en semblant confondre puissance installée et énergie disponible au bon moment.
Emmanuel Macron vient d’annoncer la création d’un « Haut Conseil pour le Climat ». Il est indispensable que ce Haut Conseil soit scientifique, pluridisciplinaire et indépendant, ainsi que le réclame le collectif Science Technologies Actions.
On peut craindre de sa composition qu’elle ne consiste qu’à prendre les mêmes pour recommencer avec les mêmes dogmes.
Je pense qu’à court terme l’écologie politique sera scientifique ou ne sera plus.*
* https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/lecologie-politique-sera-sc...
Mettre fin à l’étalement urbain et rapprocher les activités économiques des lieux de travail plutôt que les éloigner des zones déjà urbanisées, relocaliser les services publics et assurer la pérennité des commerces de proximité, développer les transports en commun et les mobilités douces sont autant d’axes prioritaires pour réduire les besoins de mobilité carbonée.
Dans un rapport récent, l’OCDE indique d’ailleurs que certaines aides publiques favorisent la destruction des habitats naturels et l’étalement urbain. C’est notamment le cas de la taxe d’aménagement, qui est due à l’occasion d’opérations de constructions immobilières, qui pourrait être modulée pour favoriser les activités peu consommatrices d’espace et éviter que des projets ne conduisent à renforcer l’étalement urbain et à des zones périurbaines sous-densifiées. N’est-il pas temps d’économiser les sols, de réutiliser ceux déjà artificialisés et proches de systèmes de transports existants plutôt que de soutenir la construction de nouvelles autoroutes urbaines ou périurbaines voire la fermeture de lignes et gares de proximité ?
Les services de transports de l’État de Californie ont reconnu récemment que l’élargissement d’autoroutes existantes, ou la construction de nouvelles autoroutes a induit un trafic supplémentaire qui ne peut, à terme, que conduire à la saturation des nouveaux axes : plus de routes implique plus de trafic. Poursuivre la construction de nouvelles autoroutes conduirait donc, inéluctablement, à encourager de nouveaux déplacements, notamment liés à l’étalement urbain, et donc à une consommation supplémentaire de carburants que le gouvernement prétend pourtant vouloir réduire.
De même, réduire les besoins de chauffage des ménages par un plan d’investissement massif dans la rénovation et l’isolation de l’existant devrait être un effort constant des pouvoirs publics. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Comment justifier également une politique de hausse des prix des carburants pour les ménages quand les entreprises sont soit exonérées de ces hausses, notamment dans l’aérien et le transport maritime, ou peu touchées par le très faible montant du prix du carbone sur le marchés des quotas européens ? Qui plus est, lorsque le produit de ces taxes ne sert pas, en majorité, à financer les politiques de transition écologique qui sont pourtant sous-financées ?
En défendant une politique fiscale inefficace et anti-redistributive, et en refusant d’accompagner la fiscalité écologique d’un plan de transition capable de réduire les contraintes de mobilité et de chauffage qui pèsent sur les ménages, Emmanuel Macron et le gouvernement sont en train de ruiner le consentement à l’impôt, notamment celui à la fiscalité écologique qui, bien pensé et réfléchi, pourrait être utile pour que les ménages les plus fortunés réduisent leur niveau de pollution. Alors que la crise écologique ne cesse de s’aggraver, ils prennent également le risque de rendre impopulaire la transition écologique. Un risque qu’il faudrait pourtant durablement et à tout prix écarter : ne serait-il pas temps de s’assurer que la politique écologique et climatique n’aggrave pas les inégalités mais, qu’au contraire, elle contribue à les réduire en nous permettant d’aller vers plus de justice fiscale et sociale ?
Jean-Pierre Riou : Pour booster la croissance, le secteur de l’énergie est fondamental, ainsi que nous venons de le voir.
Or la majeure partie de l’effort public sur la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) est consacré à la restructuration de notre outil industriel le plus efficace, celui de la production d’électricité qui est déjà un des moins carboné d’Europe grâce à 75% de nucléaire et un peu plus de 10% d’hydraulique et qui propose une électricité abondante et bon marché. La France est en effet le plus gros exportateur mondial d’électricité (chaque année de 1990 à 2008 et toujours sur le podium depuis).
Ce parc électrique confère à la France un avantage déterminant notamment sur l’Allemagne. Cet avantage va s’accroitre avec l’augmentation annoncée du coût du carbone.
Ce qui explique les conclusions du rapport franco-allemand AGORA IDDRI "L‘Energiewende et la transition énergétique à l’horizon 2030 », qui considère de façon explicite que la rentabilité du charbon allemand ne pourra être maintenue qu’en cas de réduction significative de notre parc nucléaire, pour la raison que « Le nucléaire a un coût marginal plus faible que le charbon, si bien que sa production peut se substituer à celle des centrales à charbon lorsque qu’il reste des capacités d’interconnexion disponibles. » Et confirme « Dans le cas d’une baisse de capacités nucléaires à 40 GW, le surplus producteur des capacités charbon et lignite résiduelles est augmenté de respectivement 18 et 23 €/kW par an par rapport au scénario haut nucléaire ».
Or, ce même rapport considère que l’augmentation de la part des énergies intermittentes dans le mix énergétique français affectera la rentabilité du parc nucléaire français si celui-ci ne réduit pas sa puissance de façon significative, considérant que cette rentabilité ne serait plus assurée avec un parc supérieur à 50 GW (63 GW aujourd’hui).
C’est pourquoi toute augmentation de la part d’intermittence en France aura des conséquences contre productives sur les émissions des parcs électriques aussi bien français qu’allemand en entrainant une réduction forcée de la part du nucléaire, sans permettre pour autant d’en remplacer le moindre MW installé, et en améliorant la compétitivité du charbon allemand.
Il convient de rappeler que la quasi-totalité des réacteurs américains ont déjà obtenu leur renouvellement de licence à 60 ans, 4 d’entre eux préparent leur renouvellement à 80 ans !
Ce qui n’a pas empêché 4 de leurs réacteurs d’avoir dû fermer définitivement pour cause de rentabilité insuffisante, en raison de la mise sur le même marché de MWh pilotables et de MWh intermittents qui ne sauraient pourtant rendre des services comparables.
L’investissement doit massivement porter sur la recherche.
Aussi bien avec des objectifs de court terme comme le nucléaire de 4ème génération ou le stockage, que de plus long terme comme la fusion nucléaire. Les investissements dans la flexibilité du réseau électrique permettront également une économie relative à la puissance de production « pilotable » installée pour passer les pics de consommation.
Malheureusement, les investissements ont massivement porté sur le développement des énergies intermittentes que sont éolien et photovoltaïque alors qu’on ne sait toujours pas stocker leur production pour un coût acceptable par la collectivité.
Or le soleil est couché lors des pointes hivernales de 19 heures, et les périodes de grand froid sont anticycloniques, c'est-à-dire sans vent.
Ce qui ne permet pas aux énergies intermittentes de réduire la puissance pilotable installée du moindre MW supplémentaire.
La Cour des Comptes a chiffré à 121 milliards d’euros les dépenses engagées pour les seuls contrats déjà conclus jusqu’à fin 2017 en soutien aux énergies renouvelables électriques (et injection de biométhane). Et stigmatise le déséquilibre de ce soutien élevé accordé à ces énergies.
Les chinois, qui investissent désormais massivement dans les éoliennes européennes ont conquis une part de marché considérable et ils écrasent littéralement le marché des panneaux photovoltaïques.
On ne peut que s’inquiéter du choix qui consiste à engager immédiatement de telles sommes pour essayer d’en tirer parti ensuite, lorsqu’on saura stocker, si on y arrive un jour.
On échafaude ainsi à grands frais sur des sables mouvants en ne sachant toujours pas quelle technologie permettrait d’injecter les fondations. Un jour.
Car cette fuite en avant fragilise le réseau européen pour lequel l’intermittence progresse plus vite que les investissements visant à le sécuriser. Des flux de boucle (ou loop flows) non planifiés envahissent notamment de façon croissante les réseaux de tous les voisins de l’Allemagne dont la production aléatoire des éoliennes du nord congestionne immédiatement ses propres lignes dès que le vent souffle, et rend impossible son acheminement vers le sud de son territoire autrement qu’en fragilisant les réseaux voisins.
Pour conclure, je reproche au discours écologique de s’appuyer sur la peur et sur des affirmations dénuées de toute base scientifique ainsi que de son manque de transparence sur la réalité des coûts et sur les effets attendus de réformes. Notamment celles qui concernent l’avenir de notre parc électrique, en semblant confondre puissance installée et énergie disponible au bon moment.
Emmanuel Macron vient d’annoncer la création d’un « Haut Conseil pour le Climat ». Il est indispensable que ce Haut Conseil soit scientifique, pluridisciplinaire et indépendant, ainsi que le réclame le collectif Science Technologies Actions.
On peut craindre de sa composition qu’elle ne consiste qu’à prendre les mêmes pour recommencer avec les mêmes dogmes.
Je pense qu’à court terme l’écologie politique sera scientifique ou ne sera plus.*
* https://www.europeanscientist.com/fr/opinion/lecologie-politique-sera-sc...
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