Japon : l'autre pays à la retraite par répartition

Jacques Bichot

Retraites par répartition : l'exemple japonais


Le PIB par habitant du Japon est estimé par le FMI, pour l?année 2017,
à 38 550 dollars.


Le Japon est un pays âgé, où l'on travaille en moyenne jusqu'à un âge avancé - nettement plus avancé qu'en France. Comme notre pays est engagé, pour les mêmes raisons que le Japon, à savoir la faiblesse de la natalité et la croissance de la longévité, dans un projet de réforme de son système de retraites par répartition, il est intéressant de voir comment fonctionne le système japonais de retraites par répartition et comment il évolue.

Esquisse du système de retraites japonais

Le fonctionnement de ce système n’est hélas pas parfaitement exposé par le Centre de liaison européen et international de sécurité sociale (CLEISS) : la qualité du service public, dans le domaine névralgique de l’information, laisse à désirer. Néanmoins, le CLEISS permet de se faire une idée des règles appliquées dans ce pays, l’un des plus développés de notre planète, dont le PIB par habitant est estimé par le FMI, pour l’année 2017, à 38 550 $, quasiment à égalité avec celui de la France (39 673 $).
La retraite du salarié japonais se compose de deux pensions. La première, dite « de base », est proportionnelle à la durée de l’activité salariale, mais indépendante du salaire d’activité. Le « taux plein » est obtenu pour 40 années cotisées ; en 2018 il procure à 65 ans 779 300 Yens par an, soit quelque 6 080 €, environ 500 € par mois. La retraite peut se prendre plus tôt, à partir de 60 ans pour les femmes et 62 ans pour les hommes, moyennant application d’un coefficient d’anticipation de - 0,5 % par mois. En liquidant à 60 ans, la pension mensuelle ne s’élève donc plus qu’à 350 €. En revanche, au-delà de 65 ans, et jusqu’à 70 ans, un coefficient de majoration de 0,7 % par mois est appliqué, ce qui permet de percevoir 710 € par mois à 70 ans. Cette technique, semblable à celle en vigueur aux Etats-Unis, réalise approximativement la neutralité actuarielle.
La seconde pension par répartition est liée à la rémunération salariale. Elle ne s’applique qu’aux personnes employées par des entreprises comptant au moins 5 salariés à temps complet. Son calcul commence par celui de la moyenne sur toute la carrière professionnelle des rémunérations mensuelles revalorisées de l’inflation, soit M. Ce M est ensuite multiplié par un coefficient dépendant de l’année de naissance, puis par le nombre de mois d’assurance. Il semblerait (mais les indications du CLEISS sont imprécises) qu’un salarié ayant gagné en moyenne l’équivalent de 1 000 € constants mensuels pendant 40 ans perçoive à ce titre environ 260 € par mois s’il liquide à 65 ans, ce qui porterait sa pension aux trois quarts de son revenu d’activité. Le taux de remplacement décroit évidemment avec le niveau du salaire, puisque la première composante n’en dépend pas.

Quelles mesures sont à l’étude ?


Un intéressant article du correspondant à Tokyo du journal Les Echos, paru le 14 novembre 2018, fournit des chiffres qui montrent à quel point la situation japonaise diffère de la situation française, et combien l’écart risque de s’accentuer si la France n’agit pas vigoureusement.
Premièrement, beaucoup d’entreprises japonaises ont une politique d’emploi de personnes âgées. Par exemple, une entreprise fabriquant des composants pour l’aéronautique « recrute désormais en priorité des anciens, à temps partiel, afin de pouvoir rester ouverte pendant les week-ends et les congés, quand les quadras sont en famille ». Un réseau de vente de produits de beauté emploie 5 400 vendeuses âgées de 70 ans et plus. Souvent, le salaire est réduit au-delà de 65 ans, ce qui n’empêche pas les travailleurs de rester en poste afin de se préparer une retraite à l’abri du besoin.
Deuxièmement, des économistes expliquent, données à l’appui, que la prolongation de la vie active est possible. Ainsi un spécialiste de la question, le professeur Matsukura, explique-t-il : « Si l’on s’appuie sur les données médicales actuelles, une large partie des personnes âgées pourraient travailler jusqu’à 79 ans sans problème majeur. Au total, c’est une force de travail supplémentaire de 9 millions de personnes qui pourrait être mobilisée. » Et ce n’est pas le travail qui manque, puisque le taux de chômage ne dépasse guère 2 %.
Troisièmement, les pouvoirs publics japonais ont programmé, un peu comme Reagan l’avait fait jadis aux Etats-Unis, une augmentation progressive de l’âge d’ouverture des droits à pension, qui est actuellement de 62 ans pour les hommes et 61 ans pour les femmes : selon le CLEISS, cet âge doit augmenter progressivement pour atteindre 65 ans, pour les deux sexes, en 2025.

L'urgence démographique

En 2015, la fécondité japonaise était 1,4 enfant par femme, et le taux de mortalité, à 0,95 %, dépassait nettement le taux de natalité (0,79 %). En 2017, le Japon a enregistré seulement 941 000 naissances, mais 1,3 million de décès ; l’immigration étant très faible, la population diminue. L’institut pour la population et la sécurité sociale (deux questions que les autorités japonaises ont raison de réunir) estime que la population japonaise, soit 126 millions de personnes au dernier recensement, en 2015, pourrait descendre à 88 millions en 2065. La proportion au sein de la population des personnes âgées de de 65 ans et plus, qui est déjà égale à 27 %, pourrait atteindre 40 %. La nécessité du relèvement de l’âge effectif de départ à la retraite est donc une évidence.
Certains pays européens se retrouvent dans des situations presque aussi graves, à ceci près que l’immigration y comble une partie des vides provoqués par la dénatalité. Le cas de la France n’est pas, s’agissant de la démographie, aussi inquiétant que ceux de l’Italie, de l’Allemagne et du Japon, mais si la tendance des trois dernières années se maintient, notre pays rentrera lui aussi, d’ici quelques années, dans le groupe des nations démographiquement sinistrées. Le Japon nous montre la voie à suivre pour s’adapter à une telle situation en travaillant à des âges de plus en plus avancés, mais est-ce la panacée universelle ? L’alternative la plus simple, à savoir une politique nataliste intelligente, ne serait-elle pas la bienvenue ?

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